Le désir

C’est fini.
Tu ne viendras plus.
Le jour va poindre.
Par l’unique désir j’ai commis le péché.
Si je l’avais voulu, n’aurais-je su te joindre ?
Mais toi, ma triste amour, tu ne m’as pas cherché.

Eusses-tu reconnu, d’ailleurs, sur cette face
Que j’ai craint de livrer à ton vierge mépris
Des traits que la douleur sans cesse repétrit.
Où mon bonheur d’enfant n’a pas laissé de trace ?

Je ramènerai donc cette force infinie

Que ton approche avait épandue hors de moi.

Cette mer enchaînée obéit à ma loi

Et son mouvant désert couvre mon agonie.

Désert intérieur, étouffant crépuscule,
Triste mer qui ne put mouiller que tes genoux.
Si je suis son captif, c’est en moi qu’elle brûle :
Le pays de la soif est au dedans de nous.

J’ai cru qu’un
Dieu pourrait tarir cette mer morte,
Qu’il suffirait du ciel pour combler cette mer :
Mais on n’échappe pas au désert que l’on porte.
On ne s’évade pas de son propre désert

La vague gonfle, meurt, puis renaît sur nos corps,
Les souille en les couvrant d’écume, et se retire.
L’antique terre et nous, connaissons ce martyre :
Rien ne peut séparer l’Océan de ses bords.

François Mauriac