Toujours courir
De temps en temps l’avenir se souvient de nous
si loin soit-il,
souvent nous recevons un vague message
écrit à toute allure
car il part sans cesse
encore plus loin.
Que faire avec ça ?
Des écrits que personne ne lit.
Personne parmi nous ne sait lire
ce que l’avenir écrit.
Si ce n’est quelques rares
et savantes espérances.
On peut toujours courir.
Kiki Dimoula (Grèce)
Mon dernier corps (1981) – Traduit du grec par Michel Volkovitch
Je ne suis pas un inconditionnel de Kiki Dimoula, car son oeuvre n’évite pas les éternels lieux communs de la poésie élégiaque (le temps passe vite et emporte tout, la vie est dure etc…) mais je reconnais néanmoins que certains de ses poèmes dégagent une beauté et une intensité remarquables, rarissimes dans la poésie contemporaine. Elle est le seul auteur de poésie contemporaine qui parvienne à me toucher. Je lui trouve des points communs avec Mallarmé, car comme lui elle est la poétesse du silence et de l’absence, de ce qui n’est pas ou n’est plus. Cela est particulièrement flagrant dans le magnifique poème intitulé « Inespérances », dédié à son mari décédé :
« Pas de nouvelles de toi.
Ta photo, stationnaire
Comme quand il pleut sans pleuvoir
Comme de l’ombre me renvoie corps.
Comme notre rencontre future
Là-haut.
Dans une vacuité bien boisée
A l’ombre d’inespérances
Et d’atermoiements toujours verts.
La traduction du violent
Silence que nous éprouverons
_ forme évoluée de la violente ivresse
causée par une rencontre
ici-bas _ nous sera faite par un vide.
Alors nous serons pris
D’une impétueuse inconnaissance
_ forme évoluée de l’étreinte
que la rencontre instaure ici-bas.
(…)
Tant que tu ne vivras pas aime-moi.
Oui l’impossible me suffit.
J’ai été jadis aimée de lui.
Tant que tu ne vivras pas aime-moi. »
(dans « Je te salue jamais », 1988)