Moteur de survie solaire

Moteur de survie solaire
Sur un thème de Leonard Cohen
lisant
les Cantique des cantiques
dans une chambre du Chelsea Hotel
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Et je te lis
Salomon
et je le vérifie
depuis des millions d’années
la poésie c’est la réalité

je l’éprouve
dans chaque plissement de mon corps
dans chaque repli de mon cœur
dans les prairies ensauvagées de mon esprit
aux confins du sens et du non-sens

oui
avec toi
je me tuerais
pour trouver le mot juste
le mot contenant tous les mots
le sésame
à même de tout révéler
and i’s almost like salvation

je te lis et je n’ai plus peur
d’être rien
je te lis et je me moque
des théologies du lendemain
je scintille
dans le frémissement de l’instant

je suis
un homme-question

je suis
le berger des roses

qu’est-ce que l’éveil
demande-t-on
alors le Bouddha montre une rose
personne ne le comprend
non personne
seul un disciple acquiesce
par le pur silence d’un sourire

la rose est la rose
splendeur et banalité
a rose is a rose is a ros is a rose
dira vingt siècles plus tard
Gertrude Stein

une rose est son propre infini
et Rabbi Nahman surenchérit
le monde est comme un dé
qui tourne sur lui-même
et tout tourbillonne
et l’homme se transforme en ange
et l’ange se transforme en homme

et l’amour tourne à jamais
me souffle le Cantique

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quand je t’entends chanter
Salomon
je tremble et je m’irise
des signes de piste
épuisent la nuit des possibles
des signes de piste
se rejoignent
parmi tous les univers

et ie te vois au plus vif
tu danses
avec tes alphabets scintillants
tu danses
avec tes boucliers de solitude

quand je t’entends chanter ainsi
Salomon
je t’écoute
voix de papier de verre
centrée sur la pulsation de l’air

je t’écoute
suave et acéré
et le temps s’écoule autrement
je t’écoute
et c’est William Blake
qui transparaît
car toute chose vivante est sainte

y eut-il jamais quelque chose
par l’étendue de toute la terre
sinon cet instant de beauté violente
y eut-il jamais quelque chose
au fond des étoiles
sinon ce corps aimé
maître des précieuses métamorphoses
poème des poèmes

ce corps aimé
frotté au soufle
des versets amoureux
ce corps aimé
abîme des abîmes
blason vivant
d’un dieu éperdument charnel
but love’s the only engine of survival

moteur de survie solaire
combustible de la toute-vie
tétanise-moi
d’émerveillement en épuisement
tétanise-moi
pour que j’accomplisse jusqu’au bout
mon métier d être humain
tétanise-moi
par un surcroît de grandeur

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Zéno Bianu

Pour avoir vu un soir la beauté passer, Le Castor Astral