Les ruines de México

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Las ruinas de México

(Elegia del retorno)

« Y entonces sobrevino de repente un gran terremoto… »
Hechos de los Apóstoles, 16 :26

« Volveré a la ciudad que yo mas quiero
después de tanta desventura, pero
ya seré en mi ciudad un extranjero »
Luis G. Urbina : Elegia del retorno, (1916)

1

Absurda es la materia que se desploma,
la penetrada de vacío, la hueca.
No: la materia no se destruye,
la forma que le damos se pulveriza,
nuestras obras se hacen añicos.

2

La tierra gira sostenida en el fuego.
Duerme en un polvorín.
Trae en su interior una hoguera,
un infierno sólido
que de repente se convierte en abismo.

3

La piedra de lo profundo late en su sima.
Al despetrificarse rompe su pacto
con la inmovilidad y se transforma
en el ariete de la muerte.

4

De adentro viene el golpe,
la cabalgata sombría,
la estampida de lo invisible, explosión
de lo que suponemos inmóvil
y bulle siempre.

5

Se alza el infierno para hundir la tierra.
El Vesubio estalla por dentro.
La bomba asciende en vez de caer.
Brota el rayo en un pozo de tinieblas

6

Sube del fondo el viento de la muerte.
El mundo se estremece en fragor de muerte.
La tierra sale de sus goznez de muerte.
Como secreto humo avanza la muerte.
De su jaula profunda escapa la muerte.
De lo más hondo y turbio surge la muerte.

7

El día se vuelve noche,
polvo es el sol,
el estruendo lo llena todo.

8

Así de pronto lo más firme se quiebra
se tornan movedizos concreto y hierro,
el asfalto se rasga, se desploman
la vida y la ciudad. Triunfa el planeta
contra el designo de sus invasores.

9

La casa que era defensa contra la noche y el frío
la violencia de la intemperie,
el desamor, el hambre y la sed,
se reduce a cadalso y tumba.
Quien sobrevive queda prisionero
en la arena o la malla de la honda asfixia.

10

Sólo cuando nos falta se aprecia el aire,
cuando quedamos como el pez atrapados
en la red de la asfixia. No hay agujeros
para volver al mar que era el oxígeno
en que nos desplazamos y fuimos libres.
El doble peso del horror y el terror
nos ha puesto
fuera del agua de la vida.

Sólo en el confinamiento entendemos
que vivir es tener espacio.
Hubo un tiempo
feliz en que podíamos movernos,
salir, entrar y ponernos de pie o sentarnos.
Ahora todo cayó. Ha cerrado
el mundo sus accesos y ventanas,
Hoy entendemos lo que significa
una expresión terrible:
sepultados en vida.

11

Llega el sismo y ante él no valen
las oraciones ni las súplicas.
Nace de adentro para destruir
todo lo que pusimos a su alcance.
Sube, se hace visible en su obra atroz.
El estrago es su única lengua.
Quiere ser venerado entre las ruinas.

12

Cosmos es caos pero no lo sabíamos
o no alcanzamos a entenderlo.
¿El planeta al girar desciende
en abismos de fuego helado?
¿Gira la tierra o cae? ¿Es la caída
infinita el destino de la materia?

Somos naturaleza y sueño. Por tanto
somos lo que asciende siempre:
polvo en el aire.
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Les ruines de Mexico

(Elégie du retour)

« Tout à coup, la terre fut violemment secouée… »
Actes des Apôtres, 16 :26

« Je retournerai à la ville que j’aime le plus
après tant de malheur, mais
je ne serai plus qu’un étranger dans ma ville. »
Luis G. Urbina : Elegia del retorno, (1916)

1

Absurde est la matière qui s’écroule,
la matière pénétrée de vide, la creuse.
Non : la matière ne se détruit pas,
la forme que nous lui donnons se désagrège,
nos œuvres se réduisent en miettes

2

La terre tourne, entretenue par le feu.
Elle dort sur une poudrière.
Elle porte en son sein un bûcher
un enfer solide
qui soudain se transforme en abîme

3

La pierre profonde bat dans son gouffre.
En se dépétrifiant, elle rompt son pacte
avec l’immobilité et se transforme
en bélier de la mort.

4

De l’intérieur vient le coup,
la morne cavalcade,
l’éclatement de l’invisible, l’explosion
de ce que nous supposons immobile
et qui pourtant bouillonne sans cesse.

5

L’enfer se dresse pour noyer la terre.
Le Vésuve éclate de l’intérieur.
La bombe monte au lieu de descendre.
L’éclair jaillit d’un puits de ténèbres.

6

Il monte du fond, le vent de la mort.
Le monde tressaille en fracas de mort.
La terre sort de ses gonds de mort.
Comme une fumée secrète avance la mort.
De sa prison profonde s’échappe la mort.
Du plus profond et du plus trouble jaillit la mort.

7

Le jour devient nuit,
la poussière est soleil
et le fracas remplit tout

8

Ainsi soudain se casse ce qui est ferme,
béton et fer deviennent mouvants,
l’asphalte se déchire, la ville et la vie
s’écroulent. La planète triomphe
contre les projets de ses envahisseurs.

9

La maison qui protégeait contre la nuit et le froid,
la violence et l’intempérie,
le désamour, la faim et la soif
se transforme en gibet et en cercueil.
Le survivant reste emprisonné
dans le sable et les filets de la profonde asphyxie.

10

C’est seulement quand il nous manque, qu’on apprécie l’air.
Seulement quand nous sommes attrapés comme le poisson
dans les filets de l’asphyxie. Il n’y a pas de trous
pour retourner à la mer d’oxygène
où nous nous déplacions en liberté.
Le double poids de l’horreur et de la terreur
nous a sorti
de l’eau de la vie.

Seulement dans le confinement nous comprenons
que vivre c’est avoir de l’espace.
Il fut un temps
heureux où nous pouvions bouger
sortir, entrer, nous lever, nous asseoir.
Maintenant tout s’est écroulé. Le monde
a fermé ses accès, ses fenêtres.
Aujourd’hui nous comprenons ce que signifie
cette terrible expression : enterrés vivants.

11

Le séisme arrive et devant lui plus rien
ne valent les prières et les supplications.
Il naît de son sein pour détruire
tout ce que nous avons mis à sa portée.
Il jaillit et se fait reconnaître à son oeuvre atroce.
La destruction est son unique langage.
Il veut être vénéré parmi les ruines.

12

Cosmos est un chaos, mais nous ne le savions pas
ou nous n’arrivons pas à le comprendre.
La planète descend-elle en tournant
dans les abîmes de feu glacé ?
Tourne-t-elle ou tombe-t-elle cette terre ?
Le destin de la matière est-il dans cette chute infinie ?

Nous sommes nature et rêve. C’est pourquoi
nous sommes ce qui descend toujours :
poussière dans les airs.
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José Emilio Pacheco

Mexique
Miro la tierra, Ediciones Era, México, 1987
Traduit de l’espagnol par Denys Bélanger
In, « Un siècle de poésie mexicaine, anthologie »
Ecrits des Forges / Le Castor Astral