Le dos tourné, la lune pend dans la brume…

Christine Lavant

 

Le dos tourné, la lune pend dans la brume…

Le dos tourné, la lune pend dans la brume,
mon cœur traverse le grand incendie
dans un dur froid de verre.
Tombée d’un âge révolu,
je suis assise, lourde et souffrante,
sur le banc délaissé d’une gare,
et j’ai peur de me lever.
Que m’est-il advenu ?…
Je n’arrête pas d’y penser,
mais, là-haut, la place est vide,
qui devrait encore s’en souvenir.
Qu’il pèse lourd, l’objet carbonisé
et dur comme un caillou, là dans ma poitrine…
Hier encore, j’en savais plus,
c’était comme un couteau.
Aujourd’hui la douleur va mieux
et demain sûrement ne sera plus pareille
qu’à une piqûre d’aiguille –
il faut maintenant que j’aille me coucher
Que m’est-il advenu ?…
Le dos tourné, la lune décline dans la forêt,
j’ai froid jusqu’au cœur de mon âme.

Traduit de l’allemand par François Mathieu

Abwendig hängt der Mond im Dunst…

Abwendig hängt der Mond im Dunst,
mein Herz geht durch die Feuersbrunst
in glasig harte Kälte.
Von einer frühen Älte
befallen sitz ich träg und krank
auf der verlaßnen Bahnhofsbank
und fürcht mich aufzustehen.
Was ist mir denn geschehen?…
Das denk ich immer vor mich her,
doch oben ist die Stelle leer,
die das noch wissen sollte.
Wie schwer wiegt das verkohlte
steinharte Ding da in der Brust…
Noch gestern hab ich mehr gewußt,
es war so wie ein Messer.
Der Schmerz ist heute besser
und morgen ist er sicherlich
nur mehr so wie ein Nadelstich –
muß jetzt wohl schlafen gehen.
Was ist mir denn geschehen?…
Abwendig sinkt der Mond im Wald,
bis in die Seele ist mir kalt.

© Otto Müller Verlag
Extrait de: Die Bettlerschale
Salzburg : Otto Müller Verlag , 1956

Christine Lavant

Allemand
Production audio: ORF Landesstudio Kärnten
Source : Lyrikline