Je ne reste pas longtemps

 

Je ne reste pas longtemps
pour que vous gardiez de moi une image agréable,
pour que chaque parole prononcée ne soit pas perdue,
pour que vous n’ayez pas la possibilité
de trouver sur mon visage une expression de douleur
ou d’agacement.
Votre présence ne me fait pas mal et j’aime vos gestes tendres
simplement il m’arrive d’avoir besoin d’une nuit
sans étoile et d’un jour sans déclaration.
Je ne reste pas longtemps
pour ne pas peser sur vos épaules nues,
pour ne pas prendre la place qui n’est pas la mienne,
pour ne pas vous voir pleurer :
je ne considère pas les larmes comme des aveux
de faiblesse, il faut du courage pour noyer le regard
et la voix,
elle est impitoyable la révolte des sanglots,
elle exige que l’on fasse dans la neige un petit pas
de côté.

Je ne reste pas longtemps
pour garder de notre rencontre une belle entaille au cœur,
pour ne pas me sentir irremplaçable,
pour avoir envie de vous revoir.
Parfois un simple sourire m’atteint comme une flèche aveugle
et je dois ramasser très vite les morceaux qui tombent
de moi-même
par le trou qu’elle a ouvert.

Je ne reste pas longtemps
pour ne jamais être déçue par ce que j’attendais de vous,
pour la promesse d’un retour,
pour le baiser qui vient naturellement à ceux qui s’aiment.
Je vous écris souvent car j’ose à peine vous toucher,
comment font-ils pour effleurer des mains, approcher
des lèvres,
frôler des bouches closes alors que ces mouvements
sont pour moi des actes
qui contiennent tout ?

Je ne reste pas longtemps
pour que chaque pas vers vous soit un pas de géant,
pour que chaque étreinte soit une longue histoire,
pour vous comprendre sans vous blesser.
La nuit est belle sur les vallées profondes quand
on sait que bientôt le jour va se lever.
Je ne reste pas longtemps
pour ne rien salir dans la petite chambre sur la Loire,
pour ne pas embêter les fantômes
qui étaient là avant moi,

je ne reste pas longtemps
pour vous aimer encore.

Cécile Coulon

Pour avoir vu un soir la beauté passer, Le Castor Astral

 

2 réflexions sur « Je ne reste pas longtemps »

  1. Ces résonances italiennes et masculines , riches de sens , de beauté,
    Sculptées par l’esprt Vif
    À vif
    de l’artiste doué de ses mains et de ses mots
    Di te me veggo e di lontan mi chiamo
    per appressam’al ciel dond’io derivo,
    e per le spezie all’esca a te arrivo,
    Como pesce per fil tirato all’amo.

    E perc’un cor fra dua fa picciol segno
    di vita, a te s’è dato ambo le parti;
    ond’io resto, tu ‘ l sai, quant’io son, poco.
    E perc’un’alma infra duo va ‘l più degno,
    m’è forza, s’i’ voglio esser, sempre amarti;
    ch’i’ son sol legno, e tu se’ legno e fico.

    Je me sens à toi et de loin m’exhorte
    à m’approcher du ciel d’où je procède,
    et viens à toi, appâté par ta beauté,
    tel le poisson tiré par l’hameçon.

    Et parce qu’un cœur en deux partagé
    languit, à toi les deux parts sont données ;
    et je reste, tu le sais, ce que je suis: bien peu.
    Et si l’âme entre deux biens va au plus digne,
    pour vivre il me faut bien t’aimer toujours,
    car ne suis que bois, et toi,bois et feu.
    MICHEL – ANGE
    Poésies / Rime
    Éditions LES BELLES LETTRES

  2. Il s’agit de mon poème préféré. Il me fait vraiment vibrer. Il représente tout ce que j’aime, tout ce que je suis.

    Merci

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