Géographie d’un exil

 

Édouard J. Maunick

À Patrick Finet & Marc Raffray

Lieu 1
Ce que les jours te cachent/
ce que les nuits ignorent/
préméditent ton exil
pour le compte du hasard
qui ne mande ni n’accorde/
tout étant temps qui passe
sans savoir où tu es/
sans savoir où tu vas/
n’ayant pour seule boussole
que ton sang vagabond/
il coule de quatre sources*
et jamais ne sommeille/
il irrigue les terres de
ton grand arbre ancestral/
il ensemence les mers
de tes plus fous départs/
ton nom vrai est Métis :
nous ne sommes de nulle part
arrivés de partout
avec ou sans passeport

Lieu 2
L’ÎLE était quelque part/
débris de Gondwana
ou bris de Lémurie/
terre non appartenue
baptisée sans baptême
de noms de traversée
arabo-swahili
Dina Moraze ou
Dina Mashriq/
échos emportés par vents d’Est
depuis près de dix siècles/
comme Cirné ou Cerné/
mais suivront d’autres noces/
préludes incantatoires
d’un creuset trinitaire
afroasiaeuro
de Stella clavisque
maris indici (sic) :
rumeur avant-coureuse
d’une saga insulaire

Lieu 3
Aux portes de la parole/
une solitude-ébène/
une paresse-dodo/
l’ébénier abattu
pour coque imputrescible :
assurance hollandaise
de naviguer indemne
pour la gloire de Nassau/
le dodo effacé
de la mémoire de drontes
à grands coups de pagaie/
vengeance folle de marins
d’un relâche dans un port
sans tavernes ni bordels/
crime d’autant plus gratuit
que sa chair d’oiseau mort
s’inscrivait interdite
aux nuits déjà frugales
de matelots empêchés
de tirer une bordé

Lieu 4
À quelles portes frapper/
quel vocable emprunter
pour le baptême fortuit
d’une terre sans terroir/
de rivières innommées/
d’eau coulée venue d’où/
chutes/labyrinthes liquides
de quelle nappe inconnue/
ou alors de quelle fuite
sauvage et débridée/
à quel saint se vouer
pour que telle île s’appelle
et jaillisse du passé
– souveraine sans diadème –
de quoi forcer le sort
de quelque folle flibuste
que seule la mer gouverne
pour moins de solitude :
voilà un point d’aiguade
qui entre dans l’Histoire !

Édouard J. Maunick