Être ni l’un ni

Être ni l’un ni
l’autre juste le fil tendu     entre
les rives juste     l’élan
ténu entre les formes singulières
du même     la langue plurielle
et composite                   une jambe
inattendue lancée à l’oblique
d’un ciel     de traîne

être la voix blanche qui
tourne et tourne encore     longe
le mur des fous des                      fissurés
estropiés     crucifiés     ramasse
à la Une et derrière la porte insonore
des chambres aseptisées
des mots savants         des phrases ordinaires
se résout à l’incertaine parole
des songes

oser traverser la Ligne où les oiseaux de haut vol
s’écartèlent

être ni l’ombre           ni
portée la lumière où noires
et rondes et blanches     vibrent
les cendres sonores de nos cris
partagés     mais la fragile pesanteur
de l’amour                    et la grâces de nos désirs
peuplées de bras de bouches de        chevelures
inconcevables      et somptueuses

être chaine et trame de la
natte promise où         assis debout bruisse
le monde     et la joie reconquise
des simples           des pauvres     des affligés
des affamés                    nommer la soif et l’eau la peine
et la miséricorde               le doux
et la douleur de ce qui est en nous
guette                l’infinie présence
de la source

et mains vides s’avancer vers la montagne où l’Enfant
au semblable
s’abandonne.

Anne Bihan
Ton ventre est l’océan
Editions Bruno Doucey, 2011