La libellule
Près de l’étang, sur la prêle
Vole, agaçant le désir,
La Libellule au corps frêle
Qu’on voudrait en vain saisir.
Est-ce une chimère, un rêve
Que traverse un rayon d’or ?
Tout à coup elle fait trêve
À son lumineux essor.
Elle part, elle se pose,
Apparaît dans un éclair
Et fuit, dédaignant la rose
Pour le lotus froid et clair.
À la fois puissante et libre,
Sœur du vent, fille du ciel,
Son aile frissonne et vibre
Comme le luth d’Ariel.
Fugitive, transparente,
Faite d’azur et de nuit,
Elle semble une âme errante
Sur l’eau qui dans l’ombre luit.
Radieuse elle se joue
Sur les lotus entr’ouverts,
Comme un baiser sur la joue
De la Naïade aux yeux verts.
Que cherche-t-elle ? une proie.
Sa devise est : cruauté.
Le carnage met en joie
Son implacable beauté.
Chant de Printemps
Dans la maison des peintures
il se met à chanter
il essaie le chant
il répand des fleurs
il égaie le chant.
Le chant résonne
les grelots se font entendre
et nos sonnailles fleuries
leur répondent .
Il répand des fleurs
il égaie le chant.
Sur les fleurs chante
le superbe faisan,
son chant se déploie
à l’intérieur des eaux.
Viennent lui répondre
plusieurs oiseaux rouges
le bel oiseau rouge
chante superbement.
Ton cœur est un livre peint
tu es venu chanter
tu fais résonner les tambours
c’est toi le chanteur.
À l’intérieur de la maison du printemps
tu réjouis les gens.
Toi seul répartis
des fleurs qui enivrent
des fleurs précieuses .
C’est toi le chanteur.
À l’intérieur de la maison du printemps
tu réjouis les gens.
Netzahualcóyotl (1402-1472)
Seigneur de Tezcoco et poète aztèque
Traduit du nahuatl et de l’español par
Miguel León-Portilla
Trece poetas del mundo azteca 1967