Trois ethnies

Trois ethnies

Trois ethnies
Trois jolis sourires
Trois jeunes destins
Trois petites filles
Trois éclats de rire qui chatouillent les manguiers.

Elles jouent en cercle en se tenant la main,
Sandales et peurs au vent,
Trois rêves ludiques,
Trois chansons.

Un deux, trois, elles sautillent,
Et petites nattes se hissent à l’horizon.
Un deux, trois, elles sautillent,
Six petits pieds se posent sur la terre fébrile ;
Fraîchement violée par ses fils,
Féconde et porteuse en son sein de l’Infâme.

Un, deux, trois et la terre minée s’ouvre.
Rugissant et béante,
Purulente de petits monstres,
Elle avale les trois chansons.

Trois petits bouts d’enfance s’envolent en éclats.
Trois rêves déchiquetés, trois rires muets.
Trois destins étouffés, trois boutons de fleurs écrasés.
Trois chants inachevés.

Un, deux, trois pleurs identiques s’élèvent dans un ciel désastré.
Trois silhouettes vêtues d’imvutanao (*) noir s’allongent, cheveux
rasés, âmes calcinées.

Trois rêves,
Trois plaies.
Trois cœurs fendus à jamais.
Hutu. Tutsi. Twa.
Trois ethnies.
Une seule agonie.
Un seul fleuve de larmes qui s’écoule et s’écoule, à l’infini.

Et ce silence
Le silence lourd et écarlate du sang des innocents.

 Ketty Nivyabandi
(*) imvutanao : tenue traditionnelle des femmes au Burundi
In, « Chants du métissage. Une anthologie établie et
présentée par Pierre Kobel et Bruno Doucey »
Editions Bruno Doucey, 2015 

Une réflexion sur « Trois ethnies »

  1. C’est un grand texte, tout comme celui de cet autre poème :Un cri .
    Ils disent tout en poésie, même l’indicible , l’innomable et l’insulte faite à tout l’espoir en devenir.

    V

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