Pierres Gravées
Dans la quiétude des mères inclinées sur l’abîme.
Dans certaines fleurs refermées avant d’être embrasées
par l’infortune, avant que les chevaux n’apprennent à pleurer.
Dans l’humidité des vieillards.
Dans la substance jaune du cœur.
J ‘ai vu l’ombre poursuivie par les fouets jaunes,
acides jusqu’aux bords du souvenir,
les linges devant les portes de l’indignation.
J’ai vu les stigmates de l’éclair sur des eaux immobiles, dans des étendues visitées par les présages
J’ai vu les matières fertiles et d’autres qui vivent dans tes yeux ;
J’ai vu les résidus de l’acier et les grandes fenêtres pour la contemplation de l’injustice (ces ovales où se cache la phosphorescence) :
c’était la géométrie, c’était la douleur.
J’ai vu des têtes absorbées dans les cendres industrielles;
J’ai vu la lassitude et l’ébriété bleue
et ta bonté comme une grande main avançant vers mon cœur.
J’ai vu les miroirs face aux visages qui ont refusé d’exister :
c’était le temps, c’était la mer, la lumière, la colère.
C’était un temps égaré d’oiseaux. Il n’existait d’autre lumière que celle d’un grand drap dont nous ignorions la trame. C’était juillet dans l’air, mais les balcons s’ouvraient sur février et sur la mort. La chaux bouillait sous une menace d’ombre et les couloirs menaient à l’entrée de la peur. Dans les chambres, des mères s’inclinaient pour écouter les pleurs d’enfants encore à naître (de fils pendus au tablier sanglant).
Je vois le cheval agonisant près du puits d’eaux obscures, les poules tout autour.
La rosée aiguise sa pureté sous les dents jaunes et le crépuscule arrive aux pupilles désertes (ombre des figuiers, sérénité de l’herbe, profondeur de l’air traversé de martinets).
Je vois le dos de l’indifférence, les couloirs voués à la contemplation de l’ennui entre les hauts bégonias, entre les grandes feuilles somnolentes. Je sens la curiosité des chiens et la pitié des femmes : c’est le paysage de l’enfance, l’odeur incorporée à mon esprit dans les accès de l’âge.
Merci .
Beaucoup.
Muchas Gracias…
Oui A Gamoneda bien sûr , et ses Pierres Gravées beau pont avec Antonio Machado & avant avec Atahualpa Yupanqui.
Mais aussi avec Los Rios Profundos du peruvien José Maria Arguedas et Gouverneurs de la Rosée du haïtien Jacques Roumain .
Et une passerelle avec Desnos ce matin
» je rends mes regards vers la lumière de ce matin
à l’aube au moment de dormir
quand s’ouvrent de nouveau les anciennes blessures
quand ça gueule d’absence et de solitude »
Très heureuse nouvelle d’un livre sur Robert Desnos et belle lecture d’automne ***
Gaëlle Nohant :
La Légende d’un dormeur éveillé , éditions Heloïse d’Ormesson .
Extrait disant (presque )tout :
» Respirer.
Je ne fais que traverser la vie d’un point à l’autre, mon esprit est cette mare tranquille où vos soupçons s’abîment sans ricocher. »
V