Oiseau
In memoriam Tahar Djaout
Les ailes repliées, il loge dans la pierre
En sa racine de grès
son chant immobilisé
Plomb vénéneux le soleil des plages
vêt les eaux vieilles fétides dans les yeux
L’oiseau se réfugie dans le rêve
Pierre qui repose sur un lit de pierre
Rose de vent frêle fleur de l’idée
Tes mains caressent son sommeil
sur l’archipel du désert meurtrier
La mort ce sommeil stagnant
Blanc labyrinthe où caracole
l’écumeuse mémoire
Lune jaune de la solitude qui gèle
L’oiseau lutte — glorieuse merveille —
sous la chape de grêle
dans les plaies de l’enfant
très léger il se délivre
de l’ennui, des nuages
sur l’archipel où pleure l’olivier
Dans la fumée d’autodafé
L’oiseau minéral battant poème
Dans la lame de ton souffle offrande
du chant embrasé l’étoile et l’éclair du lieu
Dans le matin chaouïa
Dans le champ de nos années
à bout portant entre les yeux
les loups l’ont massacré
La mort en hardes
voile l’aube morte violée
— et pourquoi dans ce temps d’ombre
misérable, des poètes — *
et du verset compulsif il se libère
et de l’ogre du cimetière
et du ciel de l’hystérie armée
Ramier dans la coupole du temple
Loriot dans la ruine cendrée
Pélican des eaux imaginaires
Rossignol dans la nuit mauve et bleue
II a soif d’un chant autre
Entre la feuille et le sable désiré
Satan barbu des barbelés
a visé son envol irisé
Un homme — qu’est-ce un homme –
pleure un homme à Alger
Le train redémarre
avec les douaniers macabres
le sac d’os ramassés.
Captif de l’hideuse histoire
il retourne à l’ordre
son nom enflé de sang
dans ta ligne épitaphe brisée
Moncef Ghachem
* Hölderlin
Comme un écho à Oiseau
de Moncef Ghachem
Les ailes dépliées, le ciel pour maison
En l’espace infini
Leurs chants d’appels
cet automne silencieux
Les grues tardent
Partir ? Revenir ?
Les grues se rassemblent
Prennent leur temps, refuges
Mes yeux guettent leurs V
V de Victoire sur le défi
V de Voyage allers-retours
Toujours.
Là où gèlera l’air glaciaire.
Mes sens en alerte
Oreilles à l’affût
Viendront-elles ?
» La mort ce sommeil stagnant
Blanc labyrinthe où caracole
L’écumeuse mémoire
Lune jaune de la solitude qui gèle . » *
Les grues s’entendent
Attente délicate
sous les Perséïdes & vents contraires
Dans les sables mouvants de l’enfant
trimbalé coule du sang
de l’oubli, des vagues engloutissent
dévorent , rejettent pantelant
tout l’avenir
» Nous voulons être égaux sur la Terre
pas seulement au ciel « **
Et de l’écriture
Cri et ratures
adviendra une consolation
temporaire
Et du ciel elles reviendront
Cendrées élégantes
Élancées , constantes
Elles , désirées
L’attente immuable
Étincelante lune
ouvre la voie
et la voix à tombeaux et vents
Poussières
Vers le sud,
Notre cœur tend vers le sud ***
Un enfant , qu’est-ce qu’un enfant?
demande une femme sur un balcon
regardant passer les trains.
Pensant à La Bestia ,
L’autre train là-bas au Mexique.
L’à venir abîmé .
Des avions recrachent des corps anonymes
retours case départ
des embarcations
déversent à corps perdus
des enfants demeurent
Seuls. Toujours.
Captifs de l’absurde violence
Camps de plastique et bois flottés
Corps éperdus.
« Où vont tous ces enfants
Dont pas un seul ne rit . » ****
Elles, elles tardent
de leurs cris de ralliement
de leurs ailes du mouvement
peut-être qu’il n’existe plus de chant joyeux d´unisson.
Sombres tourbillons .
Elles hésitent
Il faut les comprendre
Le retour est compromis
le ciel, les vents contraires
n’engagent pas au voyage
giflent
l’espoir.
In the mood for love.
Véronique Cotet Chastelier
*Moncef Ghachem
**Camilo Torres y Atahualpa Yupanqui
*** S Freud
**** V Hugo