
Si c’était le cheval qui venait nous chercher,
Pour des galops dans l’eau de mer —
Ou pour livrer sa croupe magnifique de chair
A nos caresses et à nos dents.Si c’était le taureau venu pour la bataille
Et s’acharnant du front.
Ou le troupeau des roches encore mouillées de mer,
N’en pouvant plus du minéral, de nos regards
A travers l’eau.
Les cadavres non plus ne me demandent rien
Que ma nuit —
La nuit de glu, de crime, de boucherie,
La nuit des pleurs et du remords.
Peut-être que la tourbe est montée des marais,
Pour venir lanciner, suinter dans le silence
Et nous suivre partout
Comme une mère incestueuse.
Murs sans trompettes — quels cris
Vous jetez dans la chambre,
—
Quel silence et quelle horreur.
Mais mourir,
Ce peut être une grande fatigue
Un soir,
Et un aveu.
Dessous la chair des femmes qu’il fait si bon toucher,
Il y a un squelette —
Un squelette égaré que la tiédeur étonne
Et que le sel appelle
En ses cavernes grises.
Édouard Glissant