Mohammed

MOHAMMED

Tu n’étais pas là lorsque je suis passé,
j’avais pourtant pris la route de bonne heure.
L’ocre et le rose ne se mêlaient pas encore
aux pentes de l’Anti-Atlas.
Les éboulis de la veille tenaient bons
et les ânes dormaient toujours
d’avoir trop tourné sur le blé dur.
Oui, le jour hésitait encore
lorsque je quittai Tafraout par le Nord,
la route d’Aït-Baha.
J’aurais dû me douter bien sûr,
mais je ne sentis que l’odeur des amandiers
la douceur amère de leurs fruits, leurs poèmes
jetés sur le ciel ; plantés dans la terre fine et rouge.
J’aurais dû m’en douter, c’est sûr !
Alors que j’arrivais à la Pierre-du-Vent ;
mais j’avais dans la poche
une recette de tajine,
celle que tu aimais à préparer pour l’amitié.
A Arzo Wado, ils me dirent que tu n’étais pas venu,
qu’il y avait longtemps
qu’on ne chassait plus le canard ici.
Alors je me souvins d’un grand fleuve,
de cafés sur sa rive gauche
et des bouteilles à la mer que tu jetais sur ton destin.

Jean-Claude Tardif