Les hérauts noirs
Il y a, dans la vie, des coups si forts… Moi je ne sais!
Des coups comme de Dieu la haine ; comme si avant eux
le ressac de tout ce qui fut souffert
se déposait dans l’âme… Moi je ne sais!
Ils sont peu nombreux ; mais ils sont… Ils creusent d’obscurs sillons
sur le plus fier visage, sur le dos le plus fort.
Ils sont parfois les poulains de barbares attilas ;
ou bien les hérauts noirs que la Mort nous envoie.
Ce sont les chutes profondes des Christs de l’âme,
d’une adorable foi que le Destin blasphème.
Ces coups sanglants sont les crépitations
d’un pain brûlant pour nous à la porte du four.
Et l’homme… Pauvre… Pauvre ! Il tourne les yeux, comme
quand sur l’épaule un battement de main nous appelle ;
il tourne des yeux fous, et tout ce qu’il vécut
se dépose, comme une flaque de remords, dans le Regard.
Il y a des coups dans la vie, si forts… Moi je ne sais !
César Vallejo
Traduction de Nicole Réda-Euvremer