Les fusillés de Châteaubriant
Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d’amour
il n’ont pas de recommandations à se faire
Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus
L’un d’eux pense à un petit village
Où il allait à l’école
Un autre est assis à sa table
Et ses amis tiennent ses mains
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Ils sont bien au-dessus de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n’entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Il sont exacts au rendez-vous
Il sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu’ils ne sont pas des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.
René Guy Cadou
Pleine Poitrine (1946) In Œuvres poétiques complètes, © éd. Seghers
À quiconque sombre, tu diras cela, debout désormais –
A échoué comme Eux- et conscient qu’il se relevait-
Poussé par le Fait, et non par la Compréhension
Que la Faiblesse s’est dissipée -ou la Force-levée –
Dis-leur que le Pire, est facile dans
l’ Instant-
L’Effroi, n’est que le Sifflement, avant la Balle-
Quand la Balle entre, entre le Silence-
Mourir-annule le pouvoir de tuer-
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J’ai plusieurs fois pensé que la Paix était venue
Quand la Paix était bien loin –
Comme les Naufragés-pensent voir la Terre-
Au Centre de la Mer-
Et relâchent leurs efforts- mais pour se montrer
Aussi désespérée que moi-
Combien faut-il de Rivages imaginaires
Ou de Ports-
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Emily Dickinson
Nous ne jouons pas sur les tombes
Éditions Unes 2015
Traduit de l’américain par
François Heusbourg