Le temps travaille

Le temps travaille.

Personne.
Toi-rien, puis toi exactement.

À te rejoindre c’était bien, je pouvais me le dire, une sorte de cocon dépouillé qui m’enveloppait chaque jour un peu plus — celui-là même qui, me détachant du monde, me ramenait à toi.

Dans la journée, je me rendais bien compte que je m’assoupissais, et ce de plus en plus souvent, au point qu’il me semblait possible à présent de te retrouver. Plus sûrement encore que cela, à me retourner sur des linéaments de sels et d’argent.

Cocon que de la main, gauche, je cherchais à briser le plus délicatement possible, sentant qu’au seuil de la maison il neigeait de plus belle — que par mille petites cheminées calmes s’insinuaient jusque sur mon oreiller, ce que je ne savais plus nommer que par des noms d’orage et d’incendie, élan, rage, hâte, emportement. Brûlure.

Tandis que loin des vivants, je me blesse les yeux.

Déborah Heissler
In Sorrowful Songs, Æncrages & Co, Coll. « Voix de Chants »

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