Le temps peut s’arrêter

Le temps peut s’arrêter en bien
ou en mal ; il frissonne impertinent
de toute sa large bouche obscure, ou s’arrête
et hurle qu’il en a assez : de
cette belligérance.Le Temps n’est pas un ventre ; c’est un croc
qui sourit sagement ou persifle
pendant que tu sers son maître, le cœur
brisé.Le Temps coud et raccommode ! et demande
dans ton rapide, brisé penser
pourquoi tu as laissé la confiture
se gâter ? Je ne suis pas un croc dit
le jongleur, le Temps ne s’arrête pas pour moi
dit le poissonnier ; le tout est
le tout, le Temps est le Temps, bouté hors
des ciels.Une perle, un sacrifice, un psalmodier
reportages de morts… Je ne suis pas un jongleur
cria le poissonnier, ma main
ma tête, chantent que le temps a
tous ses frissons coordonnés avec le Temps.

Onze chevaux allaient cueillant des mûres
pensant qu’ils deviendraient
vieux, mais le Temps, lui, était assis et
cousait, sans égards pour leurs
larges bouches ouvertes, leurs cavernes
qui désiraient davantage.

Commencèrent onze courses, la « free
lance » pensée vieillissait encore : le Temps
était assis encore pensant, qu’il ne
vieillirait jamais. Accidents indéfinis, paradis
aigris – tous sont dans les bouches
des chevaux, dans leurs ventres terrorisés.
Le Temps-pensant cadra le trou
le Temps-soucieux cherchait à devenir
vieux. Le Temps-assis se collait
à sa place : il n’y avait bataille plus terrifiante
que celle qui était mienne.

J’ai accroché le Temps : il est assis
cueillant des mûres collé à sa
place : mais des cris brisés glissent
de la bouche : le Temps n’a pas de frissons
n’a pas d’autre lieu que la terre !Puis nous marquerons le Temps, qui
devint énorme beaucoup, portant des barils
à la terre déserte, ou transformant
les carottes en raves, ou différemment
occupant son âme désintéressée. Le Temps
n’a pas de butins ! il peut devenir
vieux, n’était pour mes butins,
qui partagent le total.Des raves à gorge déployée sourirent :
n’es-tu pas préparée pour
la bataille encore ? Ta flèche est-elle si
légère ? L’encombrante nature
restituera le vol : tu mourras,
et deviendras forte, fumant des fournitures
ou autres maux.Qui fumant des plats d’argent, creusèrent
leurs fosses légères assez pour
mener droit à ce paradis
où le Temps n’a aucun tort, ni
ornières pour t’agripper. Et encore
pendant que ton sourire blesse, avec
un vouloir de pleurs, qui mène la chanson
une misère brodée de blanc
Temps, plus moelleux que la grâce
de mon ventre, son faire en te trop-faisant,
pendant que tu te dresses fort.

Amelia Rosselli
Il tempo può fermarsi(auto-traduction it. de : « Sleep » ; trad. fr. J.Ch. Vegliante – “Le nouveau recueil” n° 87, octobre 2008 ; “Recours au Poème” n° 204, sept. 2020).

 

 

Une réflexion sur « Le temps peut s’arrêter »

  1. Grand merci pour cette reprise, que je lis comme un émouvant hommage à la mémoire d’Amelia.

    Il s’agit là, en effet, d’une tentative de traduction d’un texte quasiment inédit d’Amelia Rosselli, son autotraduction d’une page de « Sleep », dont l’original est en anglais (je me suis servi aussi de cet original, tout en privilégiant l’essai d’autotraduction en italien) ; le poète Antonio Porta, de son côté, avait procuré une version italienne de « Sleep », avec la participation de l’autrice, à la fin des années 1980. Traduction réécrite, à la fois participative et collaborative, donc…

    Mais permettez-moi de rappeler la source de votre citation : « Le nouveau recueil » n° 87, octobre 2008 (ensuite republié, avec quelque variante, sur « Recours au Poème » n° 204, sept. 2020, comme un ultime épisode de mon Anthologie de la poésie italienne « Amont dévers »).

    Bien cordialement,
    Jean-Charles Vegliante

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