Le mie prigioni

[column-half-1]
On dit :  » Triste comme la porte
D’une prison.  »
Et je crois, le diable m’emporte !
Qu’on a raison.
 
D’abord, pour ce qui me regarde
Mon sentiment
Est qu’il vaut mieux monter sa garde,
Décidément.
 
Je suis, depuis une semaine,
Dans un cachot,
Et je m’aperçois avec peine
Qu’il fait très chaud.
 
Je vais bouder à la fenêtre,
Tout en fumant ;
Le soleil commence à paraître
Tout doucement.
 
C’est une belle perspective,
De grand matin,
Que des gens qui font la lessive
Dans le lointain.
 
Pour se distraire, si l’on bâille,
On aperçoit
D’abord une longue muraille,
Puis un long toit.
[/column-half-1]
[column-half-2]
Ceux à qui ce séjour tranquille
Est inconnu
Ignorent l’effet d’une tuile
Sur un mur nu.
 
Je n’aurais jamais cru moi-même,
Sans l’avoir vu,
Ce que ce spectacle suprême
A d’imprévu.
 
Pourtant les rayons de l’automne
Jettent encor
Sur ce toit plat et monotone
Un réseau d’or.
 
Et ces cachots n’ont rien de triste,
Il s’en faut bien :
Peintre ou poète, chaque artiste
Y met du sien.
 
De dessins, de caricatures
Ils sont couverts.
Çà et là quelques écritures
Semblent des vers.
[/column-half-2]

Alfred de Musset

Poésies nouvelles, 1850