Extrait des Pêcheurs de perles de Georges Bizet – Interprète : Roberto Alagna
La romance de Nadir
Je crois entendre encore
À cette voix quel trouble agitait tout mon être
Quel fol espoir ? Comment ai-je cru reconnaître ?
Hélas! devant mes yeux déjà, pauvre insensé
La même vision tant de fois a passé
Non, non, c’est le remords, la fièvre, le délire
Zurga doit tout savoir, j’aurais dû tout lui dire
Parjure à mon serment, j’ai voulu la revoir
J’ai découvert sa trace et j’ai suivi ses pas
Et, caché dans la nuit et soupirant tout bas
J’écoutais ses doux chants emportés dans l’espace.
Je crois entendre encore
Caché sous les palmiers
Sa voix tendre et sonore
Comme un chant de ramier.
Ô nuit enchanteresse
Divin ravissement
Ô souvenir charmant
Folle ivresse, doux rêve.
Aux clartés des étoiles
Je crois encor la voir
Entr’ouvrir ses longs voiles
Au vent tiède du soir.
Ô nuit enchanteresse
Divin ravissement
Ô souvenir charmant
Folle ivresse, doux rêve.
Charmant souvenir
Divin souvenir !
Michel Carré, Eugène Cormon
En Échos de » Première Soirée » et de « Je crois entendre encore « .
Rimbaud & Bizet en fond musical pour un premier frais matin de vacances estivales , pour les solitaires éperdus .
Se souvenir d’une première :
Le Retour d’Ulysse
Monteverdi
En un Grand Théâtre plein d’âmes éperdues
Un début d’été 2003,
D’Arts Florissants:
Un décor de rouge sable
Ocre aride terre.
De fils tendus du plafond au sol,
Terminés chacun d’une petite lumière:
Telle des lucioles
phosphorescentes ,
Tapisserie symbolisée
D’une Pénélope aux cheveux courts,
À la garçonne .
L’attente
Entourée d’Amphores grecques.
Se souvenir de l’émotion
À son apogée :
Telemaque retrouvant son père .
Un retour à Ithaque
Ce n’était donc pas Penelope
Mais Telemaque
Reconnaissant Ulysse
De retour au bercail.
Telemaque face à son père manquant
Et face à son héros .
C’était ce fils là
Qui m’avait émue.
Ce souvenir plus proche,
Pour un début d’été an dix sept
Avec un Bizet moins connu
Que sa Carmen fatale.
Ses Pêcheurs de Perles
Nadir , Leïla , Zurga.
Grandeurs d’âmes
Almas dignes , fières, aimées
Aimantes.
L’amour triomphe contre tout .
Opéra qui fini bien.
Rare.
Décor en bleus pastels et outremer
Bleus du ciel & mer
Entremêlés
Bois flottés
Nasses-Barques.
Tentes-Abris
Sans toile.
Le minimum pour dire
L’essentiel .
Décor Façon Haïku
Pour un japonais artiste sensible.
En accord avec Bizet tourmenté
Trop tôt disparu
En son ardente fulgurance.
Accords parfaits
Entre vie & mort
Ying & Yang
Aussi .
Un jeune poète
Pas sérieux à dix sept ans,
Pourtant si grave,
si habité
D’une vieille âme
Éprouvée.
Un musicien mûr
Et rejeté à cause d’une bohémienne
Fougueuse
Amoureuse
Dangereuse.
La » bonne société »
Aisée -blasée
Corsetée
Choquée .
C’était avant
C’est maintenant .
Toujours…
An dix sept
Théâtres de Feux Brûlants
Attendant ceux qui seront
Reconnaissants et gourmands
Théâtres de Peu Ardents
Attendant les vœux
La Bonne Chance
Pour vivre .
Des yeux avides
Des cœurs en berne
Et des effarés rêvant
D’être soignés
Enfin.
Au théâtre de la vie courante
Au théâtre des vies errantes
Qui ne demandent
Pas la lune
Ô non
La lune n’appartient à personne
Elle brille pour tous
Elle veille sur nous.
Âmes Errantes
Almas fuyantes
Rêvant
un coin de terre
Où vivre
Libres.
Retourner aux Baux de Provence
Entrer dans ces pierres
Entrer en ces temples
Carrières de Lumières
Illuminations des tableaux
En immense
Et en dense
Pour un retour
Vers le sud
Cézanne & Pins
Calcaires & Sud (s)
En mer
En résines,
En rameaux
Oliviers .
Et les fragiles
Radeaux
Au large
Rage
De
Vivre
Libres
Est-ce ainsi que les êtres dérivent ?
~~~~~~~
Post Scriptum au poème *
Elle, elle savait d’où elle était partie
Où on l’avait conduite adolescente
Où on l’avait entourée parmi tant d’autres , entourée de barbelés
Déshumanisée
Un temps.
On l’avait privée de tout
Ou presque
Là Où elle avait découvert
L’espèce humaine
Dans toute sa fureur
Et horreur.
Splendeur
Épique .
Elle s’était faite silencieuse
Depuis quelque temps.
Je m’étonnais intérieurement
De ne point entendre SA VOIX
Sur les ondes.
Dans les effluves
Lancinantes
Des flux – reflux tragiques,
Migratoires exilés.
Elle s’en est allée
En silence public.
Soulagée sans doute,
Heureuse de retrouver
Mère père & sœur .
Véronique C Chastelier
À Pessac, 2 juillet 2017