La plus étrange des créatures

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La plus étrange des créatures

Scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion
Dans une nuit d’épouvante.
Comme le moineau, mon frère,
Tu es comme le moineau,
Dans ses menues inquiétudes.
Comme la moule, mon frère,
Tu es comme la moule
Enfermée et tranquille.
Tu es terrifiant, mon frère,
Comme la bouche d’un volcan éteint.
Et tu n’es pas un, hélas,
Tu n’es pas cinq,
Tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère,
Quand le bourreau habillé de ta peau
Quand l’équarisseur lève son bâton
Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
Et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.
Tu es la plus étrange des créatures, en somme,
Plus drôle que le poisson
Qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s’il y a tant de misère sur terre
C’est grâce à toi, mon frère,
Si nous sommes affamés, épuisés,
Si nous sommes écorchés jusqu’au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non,
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.
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Dünyanın En Tuhaf Mahluku

Akrep gibisin kardeşim,
korkak bir karanlık içindesin akrep gibi.
Serçe gibisin kardeşim,
serçenin telaşı içindesin.
Midye gibisin kardeşim,
midye gibi kapalı, rahat.
Ve sönmüş bir yanardağ ağzı gibi korkunçsun, kardeşim.
Bir değil,
beş değil,
yüz milyonlarlasın maalesef.
Koyun gibisin kardeşim,
gocuklu celep kaldırınca sopasını
sürüye katılıverirsin hemen
ve âdeta mağrur, koşarsın salhaneye.
Dünyanın en tuhaf mahlukusun yani,
hani şu derya içre olup
deryayı bilmiyen balıktan da tuhaf.
Ve bu dünyada, bu zulüm
senin sayende.
Ve açsak, yorgunsak, alkan içindeysek eğer
ve hâlâ şarabımızı vermek için üzüm gibi eziliyorsak
kabahat senin,
– demeğe de dilim varmıyor ama –
kabahatın çoğu senin, canım kardeşim!
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Nâzım Hikmet (Turquie)

Il neige dans la nuit et autres poèmes</em (Poésie/Gallimard, 1999)
Traduit du turc par Münevver Andaç et Güzin Dino.