La fin des illusions

 

José Acquelin


voici que je redescends de la montagne
que je comprends cette étrange chose
il y a dans toute solitude crue
une furie de tendresse folle
que très peu peuvent soutenir
elle porte en elle la conscience du zéro
elle offre ses mains et le reste aux vents
elle ne garde rien elle ne peut plus
alors on s’échappe du béton
on s’abstrait de la peur de soi-même
et les trémulations des amours
les magnétismes d’amitié
les cordages familiaux
le sang pesant des aïeux
tout cela est loin et c’est bien

nos ficelles s’épuisent
toute image de soi est toujours falsifiée
jamais dans la beauté de l’espace vide
où l’on n’est qu’un frisson gratuit
il n’y a plus de redevance
juste la violence de cette tendresse
qu’on est seul à pouvoir vivre seul
sans personne à qui dire combien
le langage quotidien est si loqueteux

alors on sait le poids toujours veuf
de ce mot liberté parfaitement synchrone
avec la dispersion du je
ce pronom si impersonnel
qu’on ne peut plus le prononcer
enfin il n’y a plus rien à attendre de soi
pour que commence ce là où s’arrêtent les mots

ce là qui n’est pas seulement d’ici
alors oui est le seul mot
désintégral il annihile
les histoires les drames les temps
un oui si calme qu’il ne répond plus
de ce monde de quadrilatères
il se tait oui ce oui
alors oui l’infini est

si friable si indestructible
il dit aussi vrai que cet être
qui ne dit plus rien
ce zig qui marche seul
si loin de tous
si proche de tout
qu’on dirait un papillon
que personne n’a jamais vu

José Acquelin

Langue : Français (Canada)
Source : Lyrikline