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J’ai donc parcouru le chemin du monde
qui, de l’argile à l’or, va
d’une mer à l’autre, relie l’entière Terre.
J’ai regardé monter la marée, l’ai vue redescendre ;
j’ai appris la leçon du souffle
su que l’envers et l’endroit sont mêmes
et ainsi, leçons d’amour et de vérité.
À la céleste géométrie, mon corps fut accordé.
Entre le Tigre et l’Euphrate, j’entendis l’oracle.
Temples, pyramides, je visitai ;
lu tous traités de Terre et de Ciel.
Sur le monde, j’ai fermé les yeux
et vu le monde : racine et branche et bourgeon
— l’invisible, au cœur du visible, qui agit.
Fermant les yeux, j’ai vu, et touché
étant touchée : telles feuille et marée.
La Terre était ronde, et ronde, notre danse.
Les mondes étaient pluriels, le temps
venait de leur simultanéité.
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Sur le grand balancier du voyage
mes trois destins reposaient ;
chaque jour Serpent, Corneille, Araignée
en mesuraient l’équilibre.
Il me fut offert de me recueillir
et — sans réponse — de vivre.
J’habitai la lumière de chaque chose
et l’ombre qui témoigne de son passage.
À cette heure où la lune se lève à l’est
alors qu’au revers retombe le soleil
d’une saison à une autre, je tourne
dans cette histoire de l’Un et du Multiple
où germe comme grain et la fonde
toute minuscule, la vie.
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Hélène Dorion
Portraits de mer, Paris, Éditions de la Différence, 2000.