J’ai donc parcouru…


J’ai donc parcouru le chemin du monde
qui, de l’argile à l’or, va
d’une mer à l’autre, relie l’entière Terre.

J’ai regardé monter la marée, l’ai vue redescendre ;
j’ai appris la leçon du souffle
su que l’envers et l’endroit sont mêmes
et ainsi, leçons d’amour et de vérité.

À la céleste géométrie, mon corps fut accordé.
Entre le Tigre et l’Euphrate, j’entendis l’oracle.
Temples, pyramides, je visitai ;
lu tous traités de Terre et de Ciel.

Sur le monde, j’ai fermé les yeux
et vu le monde : racine et branche et bourgeon
— l’invisible, au cœur du visible, qui agit.
Fermant les yeux, j’ai vu, et touché
étant touchée : telles feuille et marée.

La Terre était ronde, et ronde, notre danse.
Les mondes étaient pluriels, le temps
venait de leur simultanéité.


Sur le grand balancier du voyage
mes trois destins reposaient ;
chaque jour Serpent, Corneille, Araignée
en mesuraient l’équilibre.

Il me fut offert de me recueillir
et — sans réponse — de vivre.
J’habitai la lumière de chaque chose
et l’ombre qui témoigne de son passage.

À cette heure où la lune se lève à l’est
alors qu’au revers retombe le soleil
d’une saison à une autre, je tourne
dans cette histoire de l’Un et du Multiple
où germe comme grain et la fonde
toute minuscule, la vie.

Hélène Dorion

Portraits de mer, Paris, Éditions de la Différence, 2000.

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