Il ne faut pas forcer l’ellébore à fournir une prose

Il ne faut pas forcer l’ellébore à fournir une prose

Falaises de Campan, Hautes-Pyrénées.
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Des fois poète dort
Le poème a commencé, Poète dort
avec la Maïf, avec la TVA, avec, les antécédents
Il pense à ceux qui, là-bas, il se dit : « plus tard »
mais c’est plus tard qu’il se le dit ; il dort, tous les mots l’oublient
il parle ; il parle pour ne pas

En haut, pas de neige
qu’un nuage, foutu nuage
Pleut

Les pieds changent d’angle
chaufferie, avec poumons régulent

La terre monte
Monte et descend apparemment depuis toujours
Ça y’est, elle dit : « Ça commence »
Toi tu parles de sommets de flux
« Les filles ça fond c’est pénible »

Sur le chemin tranché frais
poète sort une blague
débile
et regrette
Un mot dit c’est du son
les sons tous les sons
attendent
dans les océans
que ça remonte
squelettes, sédiments algues,
voyelles femelles sile(x)nces
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Appuyez-vous sur vous, comptez sur la montagne

En patois faire du fromage = accoucher
Il y a encore du travail

Au loin la vallée les villages
les femmes les vaches mettent bas
au fur et à mesure
des « e » muets dans la langue
Hommes Femmes Reliefs

Vu d’en haut c’est le monde
Vu d’en bas ça fait mal

Sous les hêtres
poète se demande
s’il est quitté ou s’il part, il sait
qu’il voulait marcher sous la pluie
à égale saison

L’ovale des pierres sue

Dans la voiture
il regarde un troupeau de hérons

Il n’y aura pas de poème
juste
les reflets de l’Adour dans le ciel
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Amandine Monin

Racine Carougne, Carnets – Éd. Jacques Brémond, 2018
Prix Bernard Vargaftig 2017