Deux Sangs

 


Le sang de ma mère russe
Et du fils des fières montagnes de Crimée coule en moi.
Depuis l’enfance, le bruit de la mer Noire
Et l’étendue des champs m’attirent.

Mon père me lisait Essenine
Et ma mère me chantait Aïnenni.
Est-ce que l’un deux trouvait
La langue de l’autre étrangère ?

Est-ce que l’un deux souhaitait
Un destin à part pour soi ?
Ils partageaient tous deux le même sort
Ils aimaient les deux patries d’un seul cœur.

Il y a deux sangs en moi comme deux sœurs.
Inutile d’y rechercher la haine.
Parfois des feux différents y brûlent
Déversant leurs cendres dans le malheur.

Deux sangs coulent tantôt en avant, tantôt en arrière
Et frappent mon cœur plus fort que le plomb.
Du sang-conscience pour la mère Russie,
Du sang-douleur pour la patrie de mon père.

Cette douleur me remplit tout entière
Mais ma mère m’aidera, sans juger…
J’ai deux sangs et un cœur
Et ce cœur appartiendra toujours à la Crimée.

Lili Bourdjouva

Crimée, Ukraine
Tachkent, décembre 1988
Traduit du russe par Larissa Guillemet