« Défends-toi, sublime Beauté du monde donné ! »

Défends-toi, sublime Beauté du monde donné ! Défends-toi,
Beauté violente ! Tu serais à mes yeux moins belle
Consentante Que tu luttes, résiste, te
rend davantage une proie digne Bondisse
d’éclat en écla terrible
beauté surgie

Comment ce que tu es se pourrait-il entendre
dans un chant ?
Je te connais puissance, Monde ! Féroce Désir fermé sur
le principe de ton être, voué
à des nécessités que ne guide aucune fin pensable
ta présence, chacun en endure
les effets

Comment garder, de ta vigueur, l’éclat, Beauté du monde
donné ? — trop grande pour l’œil d’un mortel mal
capable d’embrasser ensemble tes traits
contraires De loin en loin une voix aurait-elle la force de dire
ce qui est ? Laisser battre, hors le sens, sa terrible
beuté nue

Ou bien divisé, le poème, luttant contre soi devrait-il
De soi devenir ennemi ? Comme il faut qu’en son cours un vers
se brise im
prévisiblement pour
que la chose nommée se débatte bondisse crie ?

L’être vaut par des traits contraires. Sauf à te garder bataille
j’ai perdu. Beauté je te veux
vivante Cela, dans un livre, dit-on, ne se peut. Cela
connu de sûr désespéré savoir pourtant nous
ruinons en ruses sans
renoncer

Ou bien il te faudrait connaître jardin, poème, labyrinthe ?
Chose de taille & comme
silence sculpté par
des notes ? — Jardin alors à proportion plus haut que dressé
par espoir désespoir plus hauts.

Jean-Paul Michel

Monemvasia 19-08-96
Pour avoir vu un soir la beauté passer, Le Castor Astral 2019