ADIEU AUX DERNIERS CONTINENTS
Amants, dormez accrochés
aux branches de l’air
la forêt s’ouvre comme la fleur
noire. Au fond de la chambre
le rouge de l’or brille
Dans ses veines, un galet noir
qui dit tout ; dans ses artères, une procession
de pluviers qui parleront demain
le langage humain
Dans le miroir où rêvent les lézards
chantonnent les framboises
souveraines, le sang lumineux
qui brûle. Au fond
des bois
Amants, signalez la terre ferme
derrière les feuilles mortes
derrière les paupières bleues
signalez les morts familiers
les morts qui rient pour rien
La forêt s’ouvre comme vulve noire
et vulve s’ouvre comme clairière
clairière s’ouvre sur l’empire
qui s’ouvre sur la rage
un coq gèle de froid dans le verger
qui n’existe pas
C’est midi et la veine bat
c’est minuit et s’ouvre la porte
de la jeunesse qui court
sous les arcades de l’absolu,
dans les allées de nos fantômes
Et comme l’animal intime s’agite
dans le rayon du phare !
Flambe la maison des trembles
l’écluse ne parle pas au ciel
voici la grande fille des canaux
et son sommeil injuste
Dans l’ombre, un homme nu,
il siffle une chanson de guetteur
Le lièvre n’a plus peur de rien :
la prairie donne sur son cœur
Amants, vos mains
par la fenêtre ouverte
adieu aux vents, adieu
aux derniers continents.
Jean-Yves Bériou
(3 décembre 2012 – Inédit)