A cette terre où l’on ploie
À cette terre, où l’on ploie
Sa tente au déclin du jour,
Ne demande pas la joie.
Contente-toi de l’amour !
Excepté lui, tout s’efface.
La vie est un sombre lieu
Où chaque chose qui passe
Ébauche l’homme pour Dieu.
L’homme est l’arbre à qui la sève
Manque avant qu’il soit en fleur.
Son sort jamais ne s’achève
Que du côté du malheur.
Tous cherchent la joie ensemble ;
L’esprit rit à tout venant ;
Chacun tend sa main qui tremble
Vers quelque objet rayonnant.
Mais vers toute âme, humble ou fière,
Le malheur monte à pas lourds,
Comme un spectre aux pieds de pierre ;
Le reste flotte toujours !
Tout nous manque, hormis la peine !
Le bonheur, pour l’homme en pleurs,
N’est qu’une figure vaine
De choses qui sont ailleurs.
L’espoir c’est l’aube incertaine ;
Sur notre but sérieux
C’est la dorure lointaine
D’un rayon mystérieux.
C’est le reflet, brume ou flamme,
Que dans leur calme éternel
Versent d’en haut sur notre âme
Les félicités du ciel.
Ce sont les visions blanches
Qui, jusqu’à nos yeux maudits,
Viennent à travers les branches
Des arbres du paradis !
C’est l’ombre que sur nos grèves
Jettent ces arbres charmants
Dont l’âme entend dans ses rêves
Les vagues frissonnements !
Ce reflet des biens sans nombre,
Nous l’appelons le bonheur ;
Et nous voulons saisir l’ombre
Quand la chose est au Seigneur !
Va, si haut nul ne s’élève ;
Sur terre il faut demeurer ;
On sourit de ce qu’on rêve,
Mais ce qu’on a, fait pleurer.
Puisqu’un Dieu saigne au Calvaire,
Ne nous plaignons pas, crois-moi.
Souffrons ! c’est la loi sévère.
Aimons ! c’est la douce loi.
Aimons ! soyons deux ! Le sage
N’est pas seul dans son vaisseau.
Les deux yeux font le visage ;
Les deux ailes font l’oiseau.
Soyons deux ! – Tout nous convie
À nous aimer jusqu’au soir.
N’ayons à deux qu’une vie !
N’ayons à deux qu’un espoir !
Dans ce monde de mensonges,
Moi, j’aimerai mes douleurs,
Si mes rêves sont tes songes,
Si mes larmes sont tes pleurs !
Victor Hugo
Le 20 mai 1838.
À cause des quatrième et cinquieme strophe .
Ce poème en écho
D’Arthur Rimbaud.
Sans doute
Celui qui
m’envoya (définitivement)
vers mon métier d’écoutante
et de parlante -chantante
Vivante.
Les Effarés*
Noirs dans la neige et dans la brume
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond,
À genoux, cinq petits, -misère!-
Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond…
Ils voient le bras fort blanc qui tourne
La pâte grise, et qui l’enfourne
Dans un trou clair.
Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.
Ils sont blottis, pas un ne bouge,
Au souffle du soupirail rouge,
Chaud comme un sein.
Et quand, pendant que minuit sonne,
Façonné, pétillant et jaune,
On sort le pain;
Quand sous les poutres enfumées,
Chantent les croûtes parfumées,
Et les grillons,
Que ce trou chaud souffle la vie
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,
Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres petits pleins de givre!
-Qu’ils sont là, tous,
Collant leurs petits museaux roses
Au grillage, chantant des choses,
Entre les trous,
Mais bien bas,-comme une prière…
Repliés vers cette lumière
Du ciel rouvert,
-Si fort, qu’ils crèvent leur culotte,
-Et que leur lange blanc tremblote
Au vent d’hiver…
20 septembre 1870
* Note :
Le terme effaré est un des mots clefs du vocabulaire de Rimbaud et de quelques uns de ses compagnons ( il figure chez Charles Cros )
La vogue du mot vient probablement de Victor Hugo; on peut le définir comme une sorte de surprise contemplative .
Rimbaud
Poésies. Une saison en enfer
Illuminations
Préface , ( Et quelle Préface !)
de René Char
Édition de Louis Forestier
Folio classique .
Hugo toujours …
Il manque.
Toujours & nouveau début de 70 ème Festival de Cannes , ébouriffant , esperons-le grâce à P Almodovar , dont son Tout sur Ma Mère reste
( selon notre humble avis ) le chef d’œuvre le plus poétique grâce à limmense actrice Cécilia Roth , dans ce train qui l’emporte à Barcelona sur la musique blues-douce du rare
Ismaël Lo *:
Tajabone ( prononcer Tayabone)…
Les festivaliers auront -ils la » Bonne Conscience » d’aller faire un saut dans l’installation du grand réalisateur mexicain Iñaritu intitulée
» Carne y Arena »
Viande et Sable. ?
( On aimerait bien s’y propulser d’un coup de jet privé mais c’est ni écolo ni à portée de nos portes monnaies basiques ! Restons modestes restons marcheurs ).
Carne y Arena , tout un monde :
Il y est question des frontières de tôles ondulées remplacées peu à peu par un mur de béton depuis 4 mois , entre les USA et les Estados Unidos de Mexico.
Il sont là : vestiges des clandestins passés en leurs chaussures parmi les grains de sables d’Arizona.
Il n’y avait pas de Frontera il y a bien longtemps , avant l’arrivée de l’homme blanc , là-bas.
Victor Hugo, dans sa verve exaltante, a son buste de bronze a la Casa de la Cultura de Puebla de los Angeles , Estado de Puebla
Parce qu’il avait pris la défense du peuple mexicain contre l’empereur Maximilien , choisi et parachuté par Napoléon .
Victor Hugo lucide , a la conscience vive avait dit tout son amour de justice et soif de liberté pour les mexicains qui finirent par gagner contre l’armée française le Cinco de Mayo dans l’ultime bataille…
Vestiges au Fort de Puebla blanchi à la chaux
Témoignage en mots
poétiques – politiques de Victor Hugo, pour les humbles mexicains unis par l’espoir de libération
( indigènes & métis ) .
Le poème d’ Alberto Blanco ( 1951) au Mexique , répond et entre en résonance avec Hugo et Iñaritu aussi.
Emblèmes
Certains
Ouvrent leur porte
pour laisser entrer les autres
D’autres
la gardent fermée
par crainte qu’entre quelqu’un
Peu
très peu
ceux qui sont sans maison.
Le
cercle
Que font les chaises
Autant que
la table
il reste là
Après que
la réunion
soit finie.
Trop
tôt
pour agir
Trop
Tard
pour partir
Ne
restent
que les témoins.
La
porte
est étroite
Le
Chemin
est étroit
La
nuit
est interminable .
Éd. Actes Sud UNESCO ( 10eme anniversaire 1978-1988)
Poésie du Mexique ( Août 88)
Traduction Jean-Clarence Lambert