Soleil dérisoire

SOLEIL DÉRISOIRE

Soleil jaune au poing
Elle s’appelle Liberté
On l’a placée sur la plus haute montagne
Qui regarde la ville
Et les pigeons gris l’ont souillée
Jour après jour
Changée en pierre
Les plis de son manteau sont immobiles
Et ses yeux sont aveugles
Sur sa tête superbe une couronne d’épines et de fiente

Elle règne sur un peuple de tournesols amers
Agités par le vent des terrains vagues
Tandis qu’au loin la ville fumante
Se retourne sur son aire
Et rajuste les chaînes aux chevilles des esclaves.

Anne Hébert
Le jour n’a d’égal que la nuit © Les éditions du Boréal