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S’asseoir ici…
S’asseoir ici, à l’heure où
l’après-midi s’achève.
Sentir que la distance s’incorpore
à la conscience ; là, où l’éternité résonne.
Regarder. Et à présent,
s’acquitter de ce métier, si profond :
toujours regarder, regarder le monde,
y songer, l’aimer, aimer, songer, aimer.
Voir la colline ; la voir vraiment.
Le mont, le chemin, la terre, le genêt :
tout voir… Voir la leçon de l’horizon :
son sourire de flamme.
Pourquoi cet éclat de l’après-midi ?
Est-ce la vielle pulsation du temps ?
L’heure dorée ? L’amitié passionnée
de la lumière et des ormes ? Ou l’élan
du regard déjà presque terrestre ?
Ah, sentir le fond de l’âge, et le feu
de se sentir coexistant avec le non-être.
Voir la passion sévère des sommets.
S’émouvoir, oui ; regarder et voir.
Etre ému devant ce qui est si bref,
si profondément aimé.
Evoquer le maître, ici, affrontant
la neige calme du Guadarrama paisible.
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Sentarse aquí
Sentarse aquí, esta hora
de la tarde que abdica.
Sentir que la distancia se incorpora
dentro de la consciencia y ahí repica
a eternidad.
Mirar.
Cumplir hoy este officio tan profundo :
mirar, mirar el mundo,
pensario, amarlo, amar, pensar, amar.
Ver la colina ; verla bien.
El monte, el camino, la tierra, la retama :
verlo … Ver la lección del horizonte :
su sonrisa de llama.
¿ Qué hace brillar la tarde ? El viejo pulso
del tiempo ? ¿ la hira del oro ? ¿ La amistad
apasionada de la luz y los olmos ? ¿El impulso
casi de tierra ya de la mirada ?
Sentir el fondo de la edad ; la lumbre
del ser junto al no ser.
Ver la pasión severa de la cumbre.
Emocionarse, sí ; mirar y ver.
Emocionarse ante esto que es tan breve
y que tanto se ama.
Recordar al maestro aquí frente a la nieve
serena del sereno Guadarrama.
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Felix Grande
Traduit de l’espagnol par Jacinto Luis Guereña
in, Anthologie bilingue de la poésie espagnole contemporaine
Gérard &C°, éditeurs (Marabout université), Verviers (Belgique), 1969