Retour à la mer

 

Fadwa Touqan

Ile où rêvent nos rêves;
Laisse-nous partir.
Délivre-nous de tes appels,
Scintillant mirage,
Fils de lumière si transparents,
Qu’ils nous ont pris au piège
Et jetés au désert.
Ile absurde où rêvent nos rêves,
Tu nous as perdus.Lorsque nous apparut ton ombre fraîche,
Nous avons dit : terre!
Voici l’invitation au repos,
Et de nos pas la récompense.
Ici nous nous entrons dignes et sauvés.
Ici nous déposons notre fardeau,
Et le chagrin de tant d’années.
Nous avons dit : Ici, notre âme oubliera.
Nous avons dit, nous nous sommes dit…
Le vert des prairies battait sous notre espoir.
Dieu ! Comme c’est beau l’espoir
Pour ceux qui errent au long des routes,
Pour ceux qui marchent la nuit sans compagnon.
Nous avons dit, nous nous sommes dit…
Ah, belle tromperie ! Éclatante illusion !
Quand sur toi nous avons jeté l’ancre,
Nous rêvions. 


D’abord, nous avons ramassé les pas perdus de notre vie.
Nous avons labouré, pour nos semences, les sillons de l’amour.
Nous y avons planté les désirs, l’amour
Frais, les nostalgies.
Mais la semence, nous l’avions jetée dans le sel.
Nous nous sommes trompés, entends-tu?
Nous avons jeté la semence
Dans les entrailles stériles de la terre.
Ile où demeurent nos rêves,
Renonce à te nourrir de nos vains désirs
Et de nos vies.
Garde pour d’autres ta profusion,
Les méandres de l’ombre et de l’eau.
Déjà nous te tournons le dos.
L’espoir s’est tari en nos cœurs.Rivages aux folles couleurs : adieu !
De nouveau, notre voilier se livre aux mains du vent.
Par lui nous porterons errance et perdition
-ô errance ô perdition-
Sur la mer hurlante et sans fond.
Nous combattrons la démesure des vagues.
Là nous offrirons nos vies.
À la mer nous laisserons nos vies en holocauste,
Et ce dernier combat.
Là prendront racine notre errance, notre destinée,
Pour s’affronter.
Là, au secret de notre sein nous mêlerons
Orgueil et blessures. 

Fatwa Touqan (Palestine)