il pleut

 

Maxence Amiel

Je suis entré dans cette maison qui dormait.
Je ne veux pas dire que les habitants dormaient.
Je veux dire que les murs eux-mêmes
et le toit noir et la moindre écharde de la charpente

dormaient.

/

Dans le vestibule encore les gouttes d’eau sonnaient

à réveiller les pierres.

/

C’est te trouver qui dessinait ma route.
Cette seule intrusion dans la demeure obscure
une route droite, longue et tranchante.

te trouver
engageait le risque.

/

J’avais tout laissé dehors, sur le petit pavé sale de terre et de brindilles.
J’entendais le vent dehors,
ce n’était pas la maison qui grinçait :

mon cœur balancé, simplement.

/

Il fallait bien bouger.
Décoller les semelles du carrelage de lumière.
Soubresauter enfin vers notre pièce suivante.
Il fallait bien se taire et
forcer le passage des fantômes.

/

Des fantômes les premiers
dans les combles et les profondes pièces des maisons de campagne.

/

Ai-je dit qu’il pleuvait ?
Et c’était comme si le déluge avait fondé la maison.

Il me fallait hurler dans les rideaux humides.

/

Tout l’espace se résumait en un il pleut
qui semblait ne pas pouvoir connaître de fin.

/

On chuchotait
(la poussière là, le meuble dépoli, la bête cachée)
que je posais trop de questions.
Mon pas devait prendre,
Adhérer à l’endroit.
Ma marche devait prendre, s’infiltrer profond
au bois trempé de l’escalier.

/

Maison où les réponses sont de l’eau, de l’eau, de l’eau
et une goutte de plus.

Une larme m’aurait suffi pour apprendre le langage d’ici.
Mais je ne savais plus pleurer.
Pourquoi, sinon, serais-je venu te chercher ?

/

On se demande où tout cela nous mène et tout à coup nous sommes là.

C’est banal et c’est cela que l’eau peint chaque jour sur les murs des villages.

/

Pardon si je n’avance pas
et si mes chaussures tachent le parquet de l’escalier
et si le bruit incommode ce qui grince et
depuis longtemps se tient tranquille.
Pardon si mon parcours illustre mal mon corps, ou ce que j’en dévoile.
Pardon mais il pleut et c’est dans la nature des bestioles dont je suis

que de chercher refuge dans les odeurs usées et le mouillé des planches.

Maxence Amiel

Par la fenêtre tardive – il pleut
Ed. Aux Cailloux des chemins