« La poésie est bien plus que l’écriture de poèmes. C’est une vision du monde. Elle embrasse tout, la musique, la philosophie, l’histoire… » Cette affirmation d’Adonis (Ali Ahmed Saïd Esber), le grand poète syrien, est reprise sous une autre forme par Patrick Deville, l’auteur notamment de Kampuchéa et de Peste et choléra, lors d’un entretien publié dans la revue Reliefs : « …la poésie, comme l’emploie Antonin Artaud quand il parle de la poésie de Van Gogh et cela que ce soit à propos du langage, de la peinture ou du marbre : c’est une saisie poétique du réel qui concourt à une autre vision… »
Si donc la poésie offre une autre vision du réel au travers d’œuvres écrites, musicales, picturales ou sculpturales, alors, l’ouvrage que Francis Bugarin vient de publier aux éditions Librairie Olympique est éminemment poétique. En effet, À la Maison basse dans le creux n’est pas, comme on pourrait le croire au premier abord, le récit d’un enfant se construisant jusqu’à l’âge adulte. C’est une recherche poétique qui tend à faire éclore parmi les souvenirs une autre réalité que le simple vécu.
Jamais nommé, le personnage du livre assiste malgré lui au décès volontaire de sa mère qui avait indirectement exigé sa présence. Dans ses derniers instants, celle-ci employait le “on” qu’il percevait comme fusionnel. Prenant appui sur cette confusion, cette communion qui aurait pu être un gouffre, le texte est écrit à la troisième personne. Entre passé et présent, dans un style sensible, une suite d’histoires, de confessions, d’expériences fragiles se trament, s’articulent pour chercher, dans un cheminement parfois étrange, le sourire perdu de la mère. A la place de ce sourire tant désiré, c’est au rire perfide de la mélancolie qu’il est confronté.
Avec La maison basse dans le creux et après Mettre en oubli, Francis Bugarin, peintre connu et reconnu, poursuit une quête poétique commencée avec sa série de neuf œuvres picturales en cours de réalisation qu’il a intitulé « Les IX conjectures. » Il s’interroge sur l’absence et la présence, sur le verbe qui les révèlent, sur les relations qui s’établissent entre la parole, la perception par les sens, les images et la façon dont chacun construit sa réalité ou, plutôt, ses réalités du monde qui nous entoure.
A la maison basse dans le creux – Francis Bugarin, 358 pages,
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