Le figuier
Ce poème commence en été,
les branches du figuier qui effleurent
la terre m’avaient invité à m’allonger
dans son ombre. En elle
je me réfugiais comme au creux d’un fleuve.
Ma mère se fâchait : l’ombre
du figuier est funeste, disait-elle.
Je n’en croyais rien, je savais bien
comme leurs fruits luisaient mûrs
et fendus offerts aux dents matinales.
Là j’ai attendu toutes ces choses
peuplant les rêves. Une flûte
lointaine jouait dans une églogue
tout juste lue. La poésie caressait
mon corps en éveil jusqu’à l’os,
elle me cherchait avec une telle évidence
que je souffrais de ne pouvoir lui donner
de forme : bras, jambes, yeux ou lèvres.
Mais sous ce ciel vert du mois d’août
elle me caressait seulement, et s’en allait.
Eugénio de Andrade
Les lieux du feu
Traduit du portugais par Michel Chandeigne
L’Escampette, 2001
» L’ombre du figuier est funeste »
L’ombre des pins n’existe pas disait Bernard Manciet sur son airial de grands feuillus , et autres centenaires chênes , là-bas
C’est vrai .
L’ombre des pins n’existe pas
( pensais-je en cette fin août 2017)
Non elle n’est pas bienveillante ,
elle demeure juste , en rayures
Et elle pique , elle pointille
Elle est fainéante
Elle est tranchante.
Seules ombres couvrantes
Des pommiers
Des châtaigniers
Noisetiers
L’ombre des figuiers
Des catalpas,
Du ravenala
Qui nous abreuve
Quand il ne reste plus rien
Après cyclone & huracan
Ici & Là
Ou plus loin
Refleuriront toujours les mauves
flamboyants
Jacarandas
Y otros
et autres tourments.
Seul L’Arbre de Vie
Est résistant
Immuable
La preuve ils s’en créent toujours
À Mexico
À Acapulco
À Veracruz
Qui plongent davantage
S’effondrent
Et à Xochimilco
Qui pourrait redevenir lagune
Vierge
Ou lagune à vagues
Un jour
Un dia
Una noche
Quizas
Sous un Cielito Lindo.
Sin fronteras
Sin final
Sans extrémité.
Juste sous l’ombre nocturne
D’une voûte céleste
Sin fin
Sin banderas
Sin malas ondas
Et les observatoires de pierres
À Chitzen Itza
Maya
Ou
Coba
Ou
Otros
Deviendront les lieux
De tous les possibles
Puisqu’ils résistent toujours
Siempre
Todavia .
Mais l’été indien n’a pas dit
son dernier mot,
il va revenir
À Biarritz
Et Cambo
Au Pas de Roland .
Vero