Face à face

Face à Face

Je marchais sur la route de mon âme
Je marchais vers le flot de mes peines
Je marchais sur le chemin de ma douleur,
A la rencontre de mon être.
Dans la brume du matin
Lorsque s’ouvrait la gerbe de maïs
Et que tombait la rosée
A l’aube de la pleine matinée
Lorsque se formait la boule rose
A l’endroit où ciel et terre semblent se toucher
Au réveil des pies féeriques
Quand s’élevaient les voix des chrétiens vers les cieux
Et que raisonnait l’angélus dans les chapelles
Lorsque s’ouvraient les pétales des fleurs
Et que les gerçait le vent
Lorsque mon corps sortait de l’engourdissement nocturne
Et que ma marmite bouillante s’accouplait avec mon esprit moribond
Le pas léger et les gestes fébriles
Je marchais vers le flot de mes peines
A la rencontre de mon être.
A un détour du chemin je le croisai
Il me tint par la main et me conta :
Je suis la coque roulante l’épais brouillard
Qui voile l’entrée de ton être
Je suis la folle avoine du champ qu’a cultivée ta mère
Je suis la joie furtive
Le sourire amère
Les sombres matinées de pleurs
De terreur
D’erreur
De malheur
Les pâles couchers de soleil de soupirs
De durs souvenirs
De brumeux avenirs
De vains repentirs
Les douloureux levers de soleil d’inquiétude
De lassitude
De quémande de mansuétude
A Celui qui promet les béatitudes…
Je suis le mort qui fait sa propre veillée.
Je suis le gris-gris à la force anéantie
Je suis la rame à la puissance affaiblie
Je suis la mine boudeuse
Les envies dédaigneuses
La morsure venimeuse
Je suis la nuit houleuse de baisers
La femme que nul homme ne peut caser.
Je suis le roc séculaire
Je suis sans force musculaire
Je suis les mânes des ancêtres réincarnés
Je suis les yeux de l’au-delà et même leur nez
Je suis une hors-la loi
Je suis une sans foi
Un séide de l’absolu
J’ai grossi les coups de bâton.
Je suis parfois aussi vulgaire qu’une putain
Mais serviable comme un bon samaritain…

Et maintenant,
Je ronge de songe ma vie d’éponge
Je danse la danse des sens en transe
Je marche sur les marches de l’arche des patriarches
Je mange les anges des âges sages
Et je danse la danse des sens en transe.
Et mon être me disait :
J’aligne les roulis de mes lits avant le midi de ma vie
J’anime mes nuits des cris venant des nids de hiboux
Je décime les cimes de la gloire de cygnes sans soucis
Et j’aligne les roulis de mes lits avant le midi de ma vie
J’assiste à la maison des gazons
Je dors sur la toison des boissons
J’ovationne les matrones qui désillusionnent
Et j’assiste à la moisson des gazons
Et j’attends patiemment le jour de mon déferrement.

A R Aboyoyo Aboyoyo (Cameroun)