Les ombres

à Providence les monstres sont discrets
et les maisons sont belles
quand les ombres le soir
avancent leurs aplats
opiniâtres et lents
sur les façades lourdes
comme des visages
les tours larges trapues
les trottoirs arborés
les gazons où quelques étudiants
parlent de Ramakrishna
et d’autres du Bauhaus
les bow-windows cossus
les pieuvres invisibles
les serpents menaçants
l’Atheneum délicieuse
où Edgar venait lire
et quatre-vingt dix ans plus tard
le rejoignait Howard
dans le même fauteuil
et quatre-vingt dix ans plus tard
j’ai fait la même chose
le soir la bière parle plusieurs langues
français anglais allemand hongrois
la lune est à demi-pleine
et tous les fantômes alors
s’endorment en silence

Christian Garcin

Poèmes américains, éd. Finitude