Il est des êtres troués,
troués par tout le corps
du fond des yeux au fond des os
et par un cri plus grand
que leur bouche écorchée,ils ont sur le visage
tous les ravages du monde,
des tertres fracassés
des ravins où s’enlisent les pires solitudes
un effroi qui ne sait à quelle peur se vouer.
Le ciel un jour
leur est passé dans le sang
avec ce goût d’absolu incurable
que nulle couleur n’efface
qu’aucun chant ne peut adoucir,
en manque de sacrifice
ils campent sur une rive cruelle
qui les met au désespoir
d’un temps trop plombé
d’un espace en agonie,
pantelants altérés démunis triomphants
le masque heurté sous la peau
le regard essoufflé
ils mènent infiniment une chasse au trésor
dans des ruines sans fin
et ne savent qu’inventer des dieux fauves.
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Les voilà vivants et déjà suicidés
lucides et déjà fous
en exil et toujours captifs,
un rapace terrifié se lève sur leur face
sans prendre son envol,
ce qu’ils voient ne se voit pas
ou seulement dans l’ivresse d’une nuit féroce,
ce qu’ils clament cogne aux tympans
frappe au ventre aux vertèbres aux nerfs
plus qu’à l’oreille ou au cœur,
prophéties convulsives
suffocations en pâte de volcan,
les âmes ne sont pour eux qu’échardes arrachées
à la croix de lumière que tiendrait
le Grand Guérisseur Céleste,
celui qui se nomme aussi
Guérisseur de l’Infini
mais n’en reste pas moins mirage de mirage
trace perdue et promesse oubliée
d’un horizon secourable.
À leur usage la vie
ce serait d’en finir
avec cet homme mis à bas de naissance,
en finir avec l’âge de l’incarnation
règne impur règne torturant
d’une chair indigne du soleil.
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André Velter