Longueur d’un jour

Longueur d’un jour sans vous, sans toi, sans Tu, sans Nous,
Sans que ma main sur tes genoux
Allant, venant, te parle à sa manière,
Sans que l’autre, dans la crinière
Dont j’adore presser la puissance des crins,
Gratte amoureusement la tête que je crains…
Longueur d’un jour sans que nos fronts que tout rapproche
Même l’idée amère et l’ombre du reproche
Sans que nos fronts aient fait échange de leurs yeux,
Les miens buvant les tiens, tes beaux mystérieux,
Et les tiens dans les miens voyant lumière et larmes…
Ô trop long jour… J’ai mal. Mon esprit n’a plus d’armes
Et si tu n’es pas là, tout près de moi, la mort
Me devient familière et sourdement me mord.
Je suis entr’elle et toi ; je le sens à tout heure.
Il dépend de ton cœur que je vive ou je meure
Tu le sais à présent, si tu doutas jamais
Que je puisse mourir par celle que j’aimais,
Car tu fis de mon âme une feuille qui tremble
Comme celle du saule, hélas, qu’hier ensemble
Nous regardions flotter devant nos yeux d’amour,
Dans la tendresse d’or de la chute du jour…

Paul Valéry

Corona et Coronilla

2 réflexions sur « Longueur d’un jour »

  1. Après Nietzsche & Valéry , ces quelques échos de leurs prédécesseurs et successeurs surgissent, alors que ce matin , tôt, en cette mi-décembre crue , un orage arrive et se manifeste en un ciel bleuissant & ennuagé de dorures menaçantes. Pour une pluie battante ,froide , et injuste ici & maintenant.

    7/ En vérité, la souffrance est là,
    À tes côtés, auprès de Toi, ô Toi qui donnes la vie.
    Sans trêve je cherche,
    Sans trêve j’évoque mes amis.
    Viendront-ils une seconde fois?
    Viendront-ils vivre à nouveau ?
    Nous ne mourrons qu’une fois,
    Nous ne vivons qu’une foi ici-bas.
    Que mon cœur cesse de souffrir
    Auprès de Celui qui donne la vie! 

    Poésie aztèque, chantée , par l’un des princes aztèques fameux Netzahualcoyotl (avant la conquête espagnole et la défaite de la capitale le 12 août 1521
    Mexico -Tenochtitlán

    Traduit du Nahuatl , Aztèque
    Georges Baudot
    Miguel León-Portilla

    8/ Il y avait tout à coup un silence dans l’air quand j’arrivais. Et dans ce silence un autre silence.
    Je regardais parfois
    tout autour, comme à la recherche d’un creux où déposer des paroles entendues de toi seule.
    Je me souviens d’une nuit
    où j’allais cousant les étoiles et les galaxies de nuits différentes…
    (Quand on donne un baiser, on le donne avec les lèvres de ceux qu’on a embrassés, qui vous ont embrassé.)

    Raúl Nieto De la Torre
    In Pas perdus dans des rues vides
    Zapatos de andar calles vacías
    Ed Pleine page éditeur
    Trad Dominique Boudou

  2. 9/ 35• 57’ Latitude Nord
    15• 16’ Longitude Ouest

    C’est aujourd’hui que c’est arrivé
    Je guettais l’événement depuis le début de la traversée
    La mer était belle avec une grosse houle de fond qui nous faisait rouler
    Le ciel était couvert le matin
    Il était 4 heures de l’après-midi
    J’étais en train de jouer aux dominos
    Tout à coup je poussais un cri et courus sur le pont
    C’est ça c’est ça
    Le bleu outremer
    Le bleu perroquet du ciel
    Atmosphère chaude
    On ne sait pas comment cela s’est passé et comment définir la chose
    Mais tout monte d’un degré de tonalité
    Le soir j’en avais la preuve par quatre
    Le ciel était maintenant pur
    Le soleil couchant comme une roue
    La pleine lune comme une autre roue
    Et les étoiles plus grandes plus grandes

    Ce point se trouve entre Madère à tribord et Casablanca à bâbord
    Déjà

    Blaise Cendrars
    Au cœur du monde
    Poésies complètes 1924-1929
    Ed nrf
    Poésie /Gallimard

    10/ «  Tout ce qui plait au monde n’est qu’un songe fugace. »
    Petrarque
    Canzionere

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