Les cloches de l’île
J’entends, par-dessus les campagnes,
Planer les cloches du pays
Et déjà je ne peux plus voir
Les contours des tours rondes.
La nuit, la mer, deux rubans bleus
Qu’ornemente l’or des étoiles,
Ont roulé dans leurs plis
Les bords de l’île.
Tout s’éloigne,
Tout se coule dans le silence.
Près de ma bouche,
Muets, les vents se penchent.
Tout cela qui m’échappe,
Me parait éloigné et comme sans retour :
Les collines brunes, la mer flamboyante,
Les arbres qui bougent le long du port.
Les cloches qui sonnent par-dessus l’eau.
Et je suis déjà prêt,
Dans l’obscurité qui s’épanche menaçante,
À aller avec eux,
Seul dans le soir,
Avec ma solitude qui pèse.
Une timide mélodie
S’en vient des métairies
— Entre les collines qui, dans le soir,
D’un léger pas pénètrent —
Doucement oppressé, j’écoute
Comment dans les Ténèbres
Les enfants prient Dieu,
Pour dormir et rêver de doux rêves.
Stefan Zweig
Ile tranquille (Bretagne), traduction Henri Guilbeaux