Je ne suis pas encore né

 

André Laude

je ne suis pas encore né
et pourtant j’éprouve la douleur
déchiré par la flamme du miroir
je m’endors dans les nœuds d’abîmes
et pourtant je suis mort depuis longtemps
crâne pur et propre
étonné de porter encore un nom
que j’aime pour la beauté qu’il prend
quand la bouche féminine le murmure
— lèvres rouges et mouillées atrocement lointaines —
collée contre un corps blessé que je n’habite
que par la souffrance violente qu’il me procure
aux heures obscures des dégoûts véhéments
à travers un parfait délireJe voyage
et parfois
la seule vision de mes mains
m’effare
et puis me fait sourire
comme la terrible absence de dieu

André Laude

Journal de bord de mort, Œuvre poétique, La Différence, 2008