J’aimerais ce soir…

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J’aimerais ce soir…

J’aimerais, ce soir, ne pas haïr
ne pas charger mon front de nuages sombres.
Je voudrais que mon regard fût plus clair
et pouvoir le poser, calme, sur le lointain…

Il doit être si beau de pouvoir dire :
« Je crois à ce qui existe et même à ce qui peut-être n’existe pas
aux choses qui peuvent me sauver, même si j’ignore leur nom :
je connais le fruit doré de la joie. »

Ce soir, j’aimerais ne pas haïr,
me sentir léger, chantant, être le vent qui berce les épis.
Je regarde au couchant : vers la nuit s’attardent les chemins,
ces chemins qui offrent leur fatigue à la nuit,
s’enfoncent dans l’ombre pour rêver en son noir mensonge.
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Quisiera esta tarde…

Quisiera esta tarde no odiar
no llevar en mi frente la nube sombría.
Quisiera tener esta tarde unos ojos más claros
para posarlos serenos en la lejanía.

Debe de ser tan hermoso decir :
« Creo en la cosas que existen y en otras que acaso no existan,
en todas las cosas que pueden salvarme, aunque ignore su nombre;
conozco la fruta dorada que da la alegría».

Quisiera esta tarde no odiar,
sentirme ligero, ser río que canta, ser viento que mueve la espiga.
Miro al poniente. Atardecen los largos caminos que van a la noche
que dan su cansancio a la noche, que van a la noche a soñar en su negra mentira.
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José Hierro (Espagne)

Traduit de l’espagnol par Jacinto-Luis Guereña
In, Anthologie bilingue de la poésie espagnole contemporaine,
Editions Gérard et Cie (Marabout Université), Verviers (Belgique), 1969