Ce qui advient et ce qui n’advient pas [II]

Ce qui advient et ce qui n’advient pas [II]

Dans la poussière de ce qui a été quand s’y colle
non la farine mais une épaisseur des jours que ni
la pluie ni l’ombre ne savent déchiffrer – dans cette
poussière-là il survit à deux pas de lui-même le village
que surplombe la montagne. Loin trop loin de lui au
centre d’une cuisine où depuis longtemps le blé a été
remplacé par l’acier et l’acier par le souvenir le repas
qu’on prépare est le seul remède contre la perte de
l’oubli.
Il y a une fissure invisible dans le flanc de la
montagne. Sur la colline d’en face la ruine et le château
lointain en connaissent l’histoire. Elles sont aussi
au-dessus dans le ciel la ruine et la fissure. Et il y en a
même dans le flanc de ta peau. On dirait un lac cicatrisé.
On dirait que rien n’a été recousu après l’opération.

Jean Portante
Paris, mars-avril 2010