Le pommier

J’ai attendu, comme un amant aux champs prend rendez-vous sous le pommier rigide, et dans l’herbe qui jaunit attend tout l’après-midi sous des tonnes de nuages.
L’amante ne vient pas.

Ce qui est rien, peut-il être cerné — margelle des poignets tordus, tresse des yeux de plusieurs en rond, spirale des croassements qui défoncent; anneau de voix; mon mal, mon mal, transcendance qui irrompt, jetant à terre ici le fourbu geignant de cette déposition,
Ulysse rustique (il chasse les poules ataxiques) aux yeux charnus, du vent plein la face, l’évanoui qui ne cesse « où suis-je? ».
Mémoire du don des choses prudentes qui tâtonnent sur la mince couche de glace du monde.

Sous un pommier charmant, étendu mais trop bavard pour le poème (pourtant la marée grimpe dans les branches basses cherchant un nid dans l’abri vert), est-ce notre lot de ne plus avoir à songer que des conflits d’hommes?

Michel Deguy