La jeune fille aux rats

La jeune fille aux rats

Tôt le matin je suis dans une chambre
Inattendue les volets sont fermés
Le lit couvert par un velours passé
À fleurs marron comme chez ma grand’mère
La fenêtre est derrière je suis assise
Dans un fauteuil
Claire est assise en face
Sur le parquet contre le bois du lit
Sa tête penche je la dresse la mets
Debout elle est trempée par la sueur
Je la prends dans mes bras
«Allonge-toi

Je la prends dans mes bras
« Allonge-toi —
Non », me dit-elle et retourne s’asseoir
Je ne vois pas la foule mais je l’entends
Chanter une prière depuis la rue
Si proche que j’ai peur nous sommes seules
Robbe en allé pour un voyage au loin
M’a fait porter par le gérant du bar
Voisin quelques photos pornographiques
Sur un carton à part je lis ces mots «
Tu es l’Agate à cœur de
Cristobal »

« Tu es l’Agate à cœur de
Cristobal »
Le message n’en dit pas plus je cours
Sur le palier je dévale les marches
Qui se couvrent de rats

Pour éviter
De les toucher je prends de la hauteur
Ils en prennent aussi en devenant
Des porcs

Le tenancier resté en haut
Se penche par-dessus la rampe et crie
« Robbe est parti ne faites pas d’erreurs
À notre époque les anges n’ont plus d’ailes»

« A notre époque les anges n’ont plus d’ailes »
Je réfléchis à mon parcours à pied
Et me décide pour la passerelle
En fer qui surplombe la voie ferrée
« Puis je prendrai la rue en direction
De la montagne »

C’est le trajet qu’enfant
J’effectuais pour me rendre au lycée
Il prenait vingt minutes
«J’ai bien le temps
Me dis-je de téléphoner avant
De m’éloigner »
Mais la cabine est sale

«De m’éloigner»
Mais la cabine est sale
Je dois contourner un tas blanc et mou
Pour atteindre le téléphone
Alors
Que je pensais avoir tiré la porte
Un garçon entre sans un mot d’excuse
Il se conduit comme s’il était chez lui
S’accoude familier contre la vitre
Nous sommes à l’étroit et enfermés
Avec la chose qui nous sépare et nous
Rassemble mieux vaut remettre à plus tard

Marie Étienne