Dans un sombre moment

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In a Dark Time

In a dark time, the eye begins to see,
I meet my shadow in the deepening shade;
I hear my echo in the echoing wood–
A lord of nature weeping to a tree,
I live between the heron and the wren,
Beasts of the hill and serpents of the den.

What’s madness but nobility of soul
At odds with circumstance? The day’s on fire!
I know the purity of pure despair,
My shadow pinned against a sweating wall,
That place among the rocks–is it a cave,
Or winding path? The edge is what I have.

A steady storm of correspondences!
A night flowing with birds, a ragged moon,
And in broad day the midnight come again!
A man goes far to find out what he is–
Death of the self in a long, tearless night,
All natural shapes blazing unnatural light.

Dark, dark my light, and darker my desire.
My soul, like some heat-maddened summer fly,
Keeps buzzing at the sill. Which I is I?
A fallen man, I climb out of my fear.
The mind enters itself, and God the mind,
And one is One, free in the tearing wind.
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Dans un sombre moment

Dans un sombre moment, mon œil commence à voir,
Je rencontre mon ombre au plus profond de l’ombre ;
J’écoute mon écho dans l’écho de ce bois –
Seigneur de la nature pleurant la mort d’un arbre.
Je vis entre le troglodyte et le héron,
Les bêtes des collines et les serpents des grottes.

Qu’est la folie sinon la noblesse de l’âme
Brouillée avec les circonstances ? Le jour brûle !
Je sais la pureté du plus pur désespoir,
Mon ombre épinglée sur un mur tout suintant.
Ce lieu dans les rochers – est-ce bien une grotte ?
Un sentier sinueux ? La marge est mon domaine.

Tenace une tempête de correspondances !
Un flot d’oiseaux la nuit, une lune en lambeaux,
Et dans le vaste jour le retour de minuit !
Un homme s’en va loin découvrir ce qu’il est –
Le moi qui meurt au fond d’une longue nuit sans larmes,
La nature s’embrasant d’un feu non-naturel.

Sombre, sombre mon jour, plus sombre mon désir.
Mouche d’été qu’affole la chaleur, mon âme
Bourdonne sur le seuil. Lequel de mes moi suis-je ?
Homme tombé, je me redresse hors de ma peur.
L’esprit entre en lui-même, et Dieu entre en l’esprit,
Alors un devient l’Un, libre au vent qui déchire.
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Theodore Roethke

(1908–1963) – The Collected Poems of Theodore Roethke (Anchor Press, 1975) – Traduit de l’américain par Raymond Farina.