Présence d’Amelia Rosselli

Présence d’Amelia Rosselli

(1930 – 1996)

Fille de l’histoire

Amelia Rosselli se disait « fille de l’histoire »… Elle a sept ans lorsqu’elle assiste à l’assassinat de son père et de son oncle, à Bagnoles-de-l’0rne, par un commando de miliciens fascistes… Son père Carlo était une figure de l’antifascisme italien – et juif. Avec sa famille, il avait fui l’Italie et trouvé refuge en France où Amelia était née, à Paris, en 1930…. L’assassinat du père est, pour Amelia et sa  mère, le début d’une longue errance, de la Suisse vers l’Angleterre, puis, via le Canada, jusqu’aux États-Unis… Amelia Rosselli ne reviendra en Italie où elle s’installera définitivement, à Rome, qu’au début des années 50…

Poésie écrite-parlée

Cet itinéraire est à la source de son plurilinguisme “apatride” : elle commencera à écrire dans les trois langues – le français, l’anglais et l’italien – qu’elle maîtrise parfaitement mais avec lesquelles elle garde aussi un rapport d’étrangeté… Quand, à partir de 1958, elle compose entièrement en italien, elle déstabilise, perturbe cette langue, la “travaille” et la réinvente en quelque sorte et fait de la poésie une expérience de recherche sur la langue. Pasolini parlera d’une « écriture de lapsus » pour désigner “l’erreur créatrice” cultivée dans cette « poésie écrite-parlée » qui mêle tous les registres et qui emprunte à la passion musicale d’Amelia Rosselli son aspect graphique et musical – la poésie comme une partition ; car Amelia Rosselli, qui a étudié la musique avant d’écrire de la poésie, dit n’avoir jamais dissocié dans son travail sur la langue composition musicale et forme poétique : sonorité, rythme – ruptures, dissonances, fulgurances – font la singularité de cette voix, de ce chant.

Rimes pour un autre siècle

Sa poésie conjugue l’intime et le politique, la violence et le lyrisme – solitude, révolte, élan libérateur – quêtes spirituelle et métaphysique, et déroute en mêlant à “la passion torturée” une distance ironique ou parodique…

Elle avait trouvé un interlocuteur privilégié en Pasolini qui écrivit une introduction à ses poèmes pour la revue Il Menabó et entretint avec elle une correspondance encore inédite en France.

Amelia Rosselli disait « rimer pour un autre siècle »… Il est urgent aujourd’hui d’entendre enfin la voix d’Amelia Rosselli, disparue en 1996 – la voix la plus singulière de la poésie italienne du XXe siècle.

Rencontre avec la poésie d’Amelia Rosselli

Son œuvre complète est publiée en Italie dans la prestigieuse collectionI Meridiani” – l’équivalent de notre Pléiade. Grâce à son éditrice française, Isabella Checcaglini, qui dirige les éditions Ypsilon, grâce à sa traductrice Marie Fabre, nous pouvons enfin découvrir les poèmes des Variations guerrières, écrits entre 1958 et 1961, où le modèle musical de la variation permet à Amelia Rosselli de déployer de reprendre les motifs et leitmotive qui rendent sa poésie si puissante et bouleversante.

Isabelle Checcaglini et Marie Fabre seront le samedi 15 mars au Marché de la Poésie et nous feront rencontrer et entendre la poésie d’Amelia Rosselli, « tourmentée, échappée ».

« …Chère vie, qui m’as été perdue
avec toi j’aurais fait des étincelles si seulement tu
n’avais pas été perdue… »

et encore :

« J’ai vingt jours
pour faire une révolution : j’ai
vingt autres jours après la révolution
pour me connaître
mon petit journal sentencieuse… »

(in Documento – 1976)

Monique Moulia
pour le Marché de la Poésie

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