Le figuier

Le figuier

Ce poème commence en été,
les branches du figuier qui effleurent
la terre m’avaient invité à m’allonger
dans son ombre. En elle
je me réfugiais comme au creux d’un fleuve.
Ma mère se fâchait : l’ombre
du figuier est funeste, disait-elle.
Je n’en croyais rien, je savais bien
comme leurs fruits luisaient mûrs
et fendus offerts aux dents matinales.
Là j’ai attendu toutes ces choses
peuplant les rêves. Une flûte
lointaine jouait dans une églogue
tout juste lue. La poésie caressait
mon corps en éveil jusqu’à l’os,
elle me cherchait avec une telle évidence
que je souffrais de ne pouvoir lui donner
de forme : bras, jambes, yeux ou lèvres.
Mais sous ce ciel vert du mois d’août
elle me caressait seulement, et s’en allait.

Eugénio de Andrade

Les lieux du feu
Traduit du portugais par Michel Chandeigne
L’Escampette, 2001