Je n’aime pas dormir


James Ollivier : Je n’aime pas dormir – Poème de Jean Cocteau (Plain-Chant -1923) – Musique de François Rabbath

Je n’aime pas dormir

PLAIN-CHANT

Je n’aime pas dormir quand ta figure habite,
La nuit, contre mon cou ;
Car je pense à la mort laquelle vient si vite,
Nous endormir beaucoup.

Je mourrai, tu vivras et c’est ce qui m’éveille!
Est-il une autre peur?
Un jour ne plus entendre auprès de mon oreille
Ton haleine et ton coeur.

Quoi, ce timide oiseau replié par le songe
Déserterait son nid !
Son nid d’où notre corps à deux têtes s’allonge
Par quatre pieds fini.

Puisse durer toujours une si grande joie
Qui cesse le matin,
Et dont l’ange chargé de poursuivre ma voie
Allège mon destin.

Léger, je suis léger sous cette tête lourde
Qui semble de mon bloc,
Et reste en mon abri, muette, aveugle, sourde,
Malgré le chant du coq.

Cette tête coupée, allée en d’autres mondes,
Où règne une autre loi,
Plongeant dans le sommeil des racines profondes,
Loin de moi, près de moi.

Ah ! je voudrais, gardant ton profil sur ma gorge,
Par ta bouche qui dort
Entendre de tes seins la délicate forge
Souffler jusqu’à ma mort.

Je mourrai, tu vivras et c’est ce qui m’éveille!
Est-il une autre peur?
Un jour ne plus entendre auprès de mon oreille
Ton haleine et ton coeur.

Je n’aime pas dormir quand ta figure habite,
La nuit, contre mon cou ;
Car je pense à la mort laquelle vient si vite,
Nous endormir beaucoup.

Jean cocteau