On n’entendait plus le vent

On n’entendait plus le vent
ni les grenouilles derrière la colline

En bas du pont une femme cousait ses lèvres
avec la bouche d’un noyé
qu’elle avait sorti de la rivière

Tu me disais de venir

Il fallait maintenant venger l’air
en jetant du sable froid depuis la rive

Quelqu’un avait commencé le premier
avec la tempe d’un coquillage infini

Puis deux hommes ont enterré tes ongles
dans la cave d’une étoile
et tendu des filets dans la nuit
pour attraper des avions et des oiseaux

Serge Pey

Une réflexion sur « On n’entendait plus le vent »

  1. Suite pour échos aux dits des précédents , des anciens et des disparus .

    5/Tablette grecque
    (L’invocation de Sappho)
    VIII

    Syriens mortels, syriens Qui frémissez sur les côtes,
    Syriens étants partout sur tête, ne vous remplissez pas les poches de terre morte, abandonnez cette terre et ne mourez pas. Mourez dans la métaphore, ne mourez pas dans la réalité. Laissez la langue vous enterrer dans ses épithètes, et ne mourez pas pour être mis en terre.
    La terre n’a de mémoire que le silence.
    Naviguez partout et gagnez le tumulte de vos âmes. Et derrière la tempête et les dégâts, levez-vous dans toutes les langues, dans tous les livres, dans toutes les causes et l’imagination, agitez-vous dans chaque terre, levez-vous comme l’éclair dans les arbres.
    (Londres, été 2015-hiver2016)
    Nouri Al-Jarrah
    Une Barque pour Lesbos et autres poèmes
    Traduit par Aymen Hacen
    2016
    Ed Moires

    6/ Pense aux autres

    Quand tu prépares ton petit-déjeuner,
    pense aux autres.
    (N’oublie pas le grain aux colombes.)

    Quand tu mènes tes guerres, pense aux autres.
    (N’oublie pas ceux qui réclament la paix.)

    Quand tu règles la facture d’eau, pense aux autres.
    (Qui tètent les nuages.)

    Quand tu rentres à la maison, ta maison,
    pense aux autres.
    (N’oubile pas le peuple des tentes.)

    Quand tu comptes les étoiles pour dormir,
    Pense aux autres.
    ( Certains n’ont pas le loisir de rêver.)

    Quand tu te libères par la métonymie,
    pense aux autres.
    ( Qui ont perdu le droit à la parole.)

    Quand tu penses aux autres lointains,
    pense à toi.
    (Dis-toi : Que ne suis-je une bougie dans le noir ?)

    Mahmoud Darwich
    Comme des fleurs d’amandier
    ou plus loin
    Traduit d’à l’arabe (Palestine) par Elias Sanbar
    Ed Actes Sud
    2007

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