Mai

Mai

Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
Des dames regardaient du haut de la montagne
Vous êtes si jolies mais la barque s’éloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains

Or des vergers fleuris se figeaient en arrière
Les pétales tombés des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j’ai tant aimée
Les pétales flétris sont comme ses paupières

Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menés par des tziganes
Suivaient une roulotte traînée par un âne
Tandis que s’éloignait dans les vignes rhénanes
Sur un fifre lointain un air de régiment

Le mai le joli mai a paré les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes

Guillaume Apollinaire

2 réflexions sur « Mai »

  1. Memoires
    Il y a 50 ans , Driss Chraïbi qui était l’un des phares de la littérature marocaine du XX eme siècle , avait confié à Abdellatif Laâbi dans la revue Souffles
     » J’ai toujours été animé par quatre passions : le besoin d’amour, la soif de la connaissance lucide et directe, la passion de la liberté, pour moi-même et pour les autres; et enfin la participation à la souffrance d’autrui. »
    Il vivait à Crest , village de la Drôme à la fin de sa vie.
    Il mourut un 1er Avril 2007, il y a donc 10 ans déjà , il avait 80 ans.
    Auteur de : Le Passé Simple 1954, Succession Ouverte,
    L’Âne , en 1956
    Les Boucs
    La Civilisation, ma Mère ! En 1972 éditions Denoel
    Dans ce dernier livre c’est la naissance à soi et au monde entre mer, montagne, et la ville , dont il s’agit en retraçant la vie d’une femme née pauvre, orpheline et analphabète .

    Homme de radio , Driss Chraïbi travailla notamment pour France Culture .

    Et je ne peux m’empêcher de songer à lui en ce 1er mai 2017. Il aurait eu 90 ans le 1 et avril et qu’aurait-il fait en ce jour de Fête des Travailleurs qui de coutume descendent dans la rue pour défiler ?

    Aujourd´hui un vent (d’est ?) soufflait sur la Garonne .
    Entre pluie et un soleil égaré d’entre les cumulus , nous marchions lentement
    Lourds, très lourds bien qu’amaigris
    Les regards embués ou éteints, mais les yeux ouverts vers l’ après ,
    Vers un 8 mai particulièrement redouté .
    Aujourd’hui un vent mauvais soufflait
    Sur les quais de Bordeaux , ancien port négrier, rincé ,
    un vent mauvais avait amené un ,deux trois , navires de guerre de la Marine Nationale , face à la Place de La Bourse
    Je n’en croyais pas mes yeux !
    J’entendais les hélicoptères dans le ciel
    Et redressant nos têtes ,
    Nous n’en croyions toujours pas nos yeux.
    Avançant en silence
    Marchant régulièrement
    Cheminant vers on ne savait quoi.
    Les ombres des helicos
    Et le nombre important de RG aux oreillettes nous faisaient froid dans le dos.
    Lorsqu’arrivés Place de La Victoire
    Je vis un véhicule blindé de l’armée de terre !
    Je n’en croyais toujours pas mes yeux glacés.
    Il n’y avait pas autant de corps cheminant que lors du 1er Mai 2002.
    Mais J’ai retrouvé Mamadou K
    Telle fût ma seule joie .
    L’ami mauritanien
    L’artiste des cocktails poetiques et l’engagé homme de paix,
    Était là , au bord du Cours Victor Hugo
    Attendant je ne sais quoi.
    Nous sommes à nouveau,
    Comme en 2002, tombés dansées bras l’un de l’autre,
    D’ un abrazo énergique et fraternel,
    Émus et triste d’être encore là ,
    Pour les mêmes raisons qu’en 2002.
    Je lui ai enfin avoué qu’il était le sujet principal d’une de mes nouvelles écrite en 2002.
    Bien sûr il veut la lire
    Bien sûr je vais la lui envoyer,
    Mais j’aurai préféré qu’elle soit périmée .
    Il y avait aujourd’hui sur les quais de la Garonne à Bordeaux
    Un vent mauvais
    Et des navires de mauvaise augure
    Des hélices d’hélicoptères comme dans
    Apocalypse Now.
    Un relent de ces guerres civiles
    Chilienes argentines et autres.
    Les chiliens , eux, étaient là,
    Ils savent de quoi il en retourne en matière de tanks et autres instruments de guerre.
    Il y avait des kurdes aux drapeaux portant le visage de leur héros
    Il y avait des turcs
    Des españols républicains aux cheveux blancs.
    Il y avait des marocains
    Il y avait les anciens combattants sénégalais , longilignes, dignes et beaux .
    Il y avait mêlés
    Des anciens, des jeunes.
    Des hommes, des femmes, des enfants
    Peu .
    Il y avait peu de collègues éducateurs .
    Peu d’enseignants
    Pas vu de blouses blanches
    Peu d’ouvriers.
    Peu de psychiatres ,
    Toujours les mêmes ,
    Ces Humanistes anciens chefs de services hospitaliers de la psychiatrie optimiste d’antan.
    Aucun magistrats pour enfants…
    Ni nos responsables cadres éducatifs ou hiérarchiques …
    Des jeunes et moins jeunes vêtus de noir aux bandeaux sur le visage
    Lâchement gueulaient pour rien.
    Ils semblaient attendre d’en découdre avec la police vêtue comme Robocop
    Je n’ai pas vu leur affrontement.
    J’étais protégée par les amis
    rencontrés au fur et à mesure de nos pas lents ,
    Tous nous avions les regards graves lucides et effarés.
    Je pensais aux poèmes de Victor Hugo.
    Les Effarés, eux, risqueront de se réveiller le 8 mai 2017
    Les mains sèches
    Le ventre vide
    Les yeux égarés
    L’esprit blessé .
    Alors je reste encore
    Avec eux les Baroques
    Et leur musica dans
    Don Quichote
    Et Mare Nostrum .
    Hesperion XXI
    Est ma seule consolation ,
    Les Voix Humaines
    Et l’art demeurent
    Seuls recours poétiques à l’inéluctable
    Mer Gelée qui saisit et étreint nos gorges
    Mer Gelée qui pourrait s’étendre
    Débordante de sidérations et honte .

    De l’autre côté de l’océan atlantique,
    Ce cimetière marin des esclaves,
    On m’appelle on m’écrit
    Du Nouveau Monde.
    On ne peut pas croire ce cauchemar
    Et je reponds
    Moi non plus.
    Pourtant je le vois.

    Nostalgie de la Lumière …
    Desnos me réveille
    Et Char qui lui parle en écho .
    Victor Hugo défendant les peuples contre leurs oppresseurs,
    La Boëtie, en son Discours de la servitude volontaire ,
    Déjà , avait tout compris .
    Mais il ne donnait de leçons à personne
    Il exprimait juste et clair
    Ce qui le taraudait,
    Montaigne l’ami
    n’était pas moins lucide et modeste
    Rien ne pouvait les diviser;
    Seule occupation légitime à leurs yeux :
    Réfléchir & élaborer leur pensée
    Par l’expérience vécue et la découverte de l’Autre .
    Seule voie possible vers la connaissance de soi.
    Ainsi que le pensait aussi Tzvetan Todorov disparu récemment .

    Tous doivent se retourner dans leurs tombes, ou leurs poussières d’os doivent paniquer de chagrin en ce moment.
    Au vent mauvais qui souffle,
    Qu’auraient-ils ressentis ?

    Veronique C Chastelier

  2. Oui , comme Seyhmus Dagtekin .
    Comme Tzvetan Todorov et autres sages:
    En ARTS , en faits & gestes également.
    Voir Pêcheurs de Perles de Bizet en une mise en scène japonaise merveilleuse toute en poésie & grandeur théâtrale à l’opera national de Bordeaux dans son Grand théâtre à l’italienne ( l’ Europe et continents des cœurs battants ) .
    Oui donc :
    L’autre est la condition même de nos existences .

    Pour le meilleur et pour le pire hélas.
    Comme le raconte le poète du Chili en 2015 , Raúl Zurita , et dans les sublimes- poétiques et bouleversants documents- films
    chiliens : Nostalgie de la Lumière & Le Bouton de Nacre , de Patricio Guzman.

    Victor Hugo , encore au XXI eme siècle. En ses contemplations, il rejoint le Victor Hugo en ses écrits politiques pour le Mexique, contre la peine de mort et autres textes mémorables pour l’Histoire des opprimés et misérables .
    De même que Thoreau et son expérience aux USA de la vie en forêt et vie en une démocratie balbutiante , divisée nord -sud , l’esclavage en bout de course.
    Montaigne avant eux , si moderne et lucide.

    Et de citer encore un poème pour un 8 mai 2017 de commémorations et autres soubresauts , surveillés de loin et de prés .

    Qu’il vive !
    Dans mon pays,
    Les tendres preuves du printemps
    et les oiseaux mal habilles
    sont préférés aux buts lointains.
    La vérité attend l’aurore à côté d’une bougie .
    Le verre de fenêtre est négligé .
    Qu’importe à l’attentif .
    Dans mon pays,
    On ne questionne pas un homme ému .
    Il n’y a pas d’ombre maligne sur la barque chavirée .
    Bonjour à peine, est inconnu dans mon pays.
    On n’emprunte que ce qui peut se rendre augmenté.
    Il y a des feuilles,
    beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays.
    Les branches sont libres de n’avoir pas de fruits.
    On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur.
    Dans mon pays , on remercie.

    René Char

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